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Autonomie (Santé)

Aspect de vie publique : Santé     Principe : autonomie

Introduction

Les fascicules de la série Le citoyen du Québec ont tous la même structure : Introduction, Principe, Renseignements pratiques, Illustrations, Enjeux, Jalons, Vigilance, Sources. 

Principe : nous explicitons d’abord le principe.

Renseignements pratiques : il s’agit d’un court guide sur les services correspondant aux aspects de la vie publique : santé…

Illustrations : Personnes, événements, lieux, œuvres illustrant le principe.

Enjeux : le contexte parfois difficile auquel un principe s’applique

Jalons : étapes, actions significatives marquant le progrès dans le respect d’un principe.

Vigilance :  esprit critique à l'endroit des scandales et autres événements troublants qui détournent la société du principe en cause

Sources : Livres, Revues, Sites, Articles, Vidéos, Audios sur un principe

 

Principe Autonomie

Boire quand on a soif ou pour  se conformer à une norme médicale? Se gouverner de l’intérieur ou être gouverné de l’extérieur? Autonomie, hétéronomie? La tendance vers l’hétéronomie est aujourd’hui si forte que l’autonomie est menacée et avec elle la vie elle-même. C’est pourquoi dans ce fascicule sur la santé nous mettons l’accent sur l’autonomie . L’industrie médicale, en pleine expansion, n’a pas besoin de notre secours.

Autonomie, comme dans perte d’autonomie. Si l’on en croit le discours public en effet, on ne s’intéresse aujourd’hui à l’autonomie qu'au moment de la perdre, ou plutôt au moment où l’on achève de la perdre. Car la perte de cette précieuse qualité commence très tôt et, comme elle est indolore, nous sommes les derniers à en avoir conscience. Elle commence par exemple quand on boit selon la consigne médicale plutôt que quand on a soif. Voici à ce propos l’histoire d’une grande découverte médicale récente.

Deux chercheurs de l’université de Pennsylvanie, Dan Negoianu et Stanley Goldfarb, ont conclu qu'aucun des bienfaits attribués à l’eau bue en grande quantité, amélioration de la silhouette, amaigrissement, désintoxication n’a été démontré. Quant à la norme, 8 verres de 8 onces par jour ou un litre et demi, personne ne semble savoir d’où elle provient. Les auteurs en concluent qu’«il faut boire quand on a soif». Leur étude1 date de 2008. On a constaté récemment en France que 20% des femmes souffrent d’incontinence urinaire à cause notamment d’une surconsommation d’eau. Là encore la conclusion2 est qu’il faut boire quand on a soif. S’il faut attacher de l’importance à cette découverte c’est parce qu'elle va à l’encontre d’une tendance de plus en plus forte hélas : la méfiance à l’égard du corps, dont les effets peuvent être catastrophiques aussi bien pour la santé des individus que pour celle des systèmes de santé publics. Une telle méfiance est toujours le signe d’une érosion de l’autonomie.

«En tant que peuple, nous sommes obsédés par la santé. Il y a là quelque chose de fondamentalement, radicalement malsain. Tout se passe comme si au lieu de nous abandonner à l’exubérance de la vie, nous ne songions qu’à conjurer les troubles et à éviter la mort; nous avons perdu toute confiance dans le corps humain.»

3C’est en ces termes que Lewis Thomas 4déplorait l’érosion chez les Américains de ce qu'on pourrait aussi appeler le pouvoir guérisseur de la nature. Ce diagnostic, formulé il y a plus de trente ans, est encore plus fondé aujourd’hui. La soif est l’une des indications les plus claires que notre corps nous donne sur l’état de ses besoins. Si l’on cesse de s’y fier, il ne reste plus qu'à réserver sa confiance, en toutes choses, du matin au soir, à des instruments de mesure et des normes extérieures.

L’idéal certes est du côté de l’équilibre entre l’autonomie et l’hétéronomie. Devant l’évidence du recul de l’autonomie,, nous nous devions de mettre ici l’accent sur elle. Son érosion sous la forme d’un manque de confiance dans le corps ne peut que renforcer une dépendance déjà excessive à l’endroit de l’institution médicale. Excessive, parce que l’autonomie est la définition même de la vie et que plus l’on glisse vers l’hétéronomie, plus on s’assimile à la machine, à des coûts humains et financiers qui, sur le strict plan de la santé, deviennent vite contreproductifs.

L’autonomie est instinct à sa racine, rite dans la zone intermédiaire et raison à la surface. La culture médicale, telle que nous l’entendons ici, est l’aptitude à assurer le développement de l’autonomie à chacun de ces trois niveaux et à assurer l’harmonisation de l’ensemble.

L’INSTINCT, PREMIER NIVEAU DE L’AUTONOMIE

Voici comment, selon Henri H. Ellenberger5, un autre de nos guides, la guérison s’opère chez le vivant, dont nous portons en nous les formes inférieures. «On a montré chez l'animal que, jusqu'à un certain stade du développement embryonnaire, des lésions infligées expérimentalement sont corrigées par un processus d'autorégulation qui peut aboutir à une restitution intégrale. Des ébauches des membres sont excisées mais les membres correspondants se développent normalement. […]

Chez les animaux inférieurs, les processus d'autorégulation peuvent atteindre un degré extraordinaire. Les salamandres auxquelles on sectionne les membres antérieurs, jusque et y compris la ceinture scapulaire, sont capables de les régénérer entièrement, de même que les membres postérieurs et la partie antérieure du museau. Par contre, la grenouille, elle aussi un batracien, ne peut aller plus loin que de régénérer imparfaitement un doigt mutilé. […]

Chez l'homme comme chez les animaux supérieurs, la restitution intégrale ne se produit qu'aux tout premiers stades de la vie embryonnaire, la régénération est très limitée et la cicatrisation elle-même se fait de plus en plus lentement à mesure que l'individu vieillit. […]

Chez les animaux supérieurs, la guérison spontanée est renforcée par un comportement instinctif. L'animal blessé ou malade est à la merci de ses ennemis naturels et de ses compagnons. Il ne peut habituellement compter que sur lui-même. Sa première réaction est de s'isoler en un lieu sûr pour lécher sa blessure et se rétablir par le repos et le jeûne. David Katz a insisté sur les phénomènes d'autorégulation diététique chez les animaux. Le manque d'une certaine catégorie d'aliments provoque chez l'animal une faim spécifique qui le porte à se procurer instinctivement les aliments propres à apaiser cette faim. Le zoologiste russe Manteuffel raconte que les vers intestinaux sont un grand danger pour la perdrix et le coq de bruyère. Ces oiseaux, en automne, se débarrassent en quelques jours de leurs parasites en absorbant une grande quantité d'aiguilles de pin. Les herbivores, les élans, les chevreuils infestés de vers intestinaux recourent également à des vermifuges, c'est-à-dire à des plantes différentes selon l'espèce.

On a supposé qu'un instinct semblable existait chez l'homme à l'origine et Artelt a soutenu que l'origine de la pharmacopée ne devait être cherchée ni dans l'empirisme, ni dans la magie, mais dans la fonction animale de l'instinct. Allendy pense également qu'il existe chez l'homme un instinct d'auto-guérison. Il affirme qu'il y a des hommes qui n'ont dû leur salut qu'à l'abandon de la médecine et l'obéissance à leur instinct. Malheureusement, ajoute Allendy, le plus souvent ‘’I'homme n'est pas assez purement animal pour suivre un instinct authentique’’»

L’autonomie biologique n’est pas seulement le fondement de la santé. L’exemple, cité plus loin, de la femme souffrant d’une nécrose de la mâchoire nous apprend que nous avons besoin d’une forte autonomie pour tirer pleinement profit de la médecine, pour éviter les effets secondaires indésirables d’abord, mais aussi pour assurer la réussite des interventions. . On vit mieux et plus longtemps après un pontage coronarien si on se fait un plaisir de bien manger et de faire des promenades au grand air. Ajoutons à cela que c’est souvent un flair apparenté à l’instinct qui nous permet de repérer les nuisances dans l’environnement.

RITE …CULTURE, SECOND NIVEAU DE L’AUTONOMIE

On peut distinguer un second niveau d’autonomie, l’autonomie psycho-socio-culturelle. Entendons par là une régulation biologique induite par des pratiques telles le chant, la danse, comportant une dimension culturelle indissociable des dimensions psychologique et sociale. En tant qu'instruments de régulation, les danses traditionnelles sont des merveilles : l’effort  demandé y est mesuré, rythmé, soutenu par la musique et l’esprit de la fête; il est surtout joyeux, ce que ne sera jamais le conditionnement physique systématique. On peut en dire autant des jeux des enfants, des cérémonies civiques ou religieuses, de toutes les pratiques, y compris les sports qui s’inscrivent dans une tradition et s’apparentent ainsi à des rites.

Quand on souligne le rapport entre la santé et la culture, il faut bien se garder d'instrumentaliser la culture, d'en faire un objectif subordonné à la santé. Ce qu'on a fait pour le rire en créant une hilarothérapie. C'est quand les arts sont cultivés pour eux-mêmes qu'ils ont, par leurs retombées indirectes, les meilleurs effets sur la santé. C'est la culture qui, comme on le verra plus loin dans le cas de l'île d'Icaria, doit occuper le terrain de la santé et non l'inverse.

Il faut noter également qu'à partir d’un certain degré de contrôle extérieur, de technicisation, comme c’est le cas dans le sport olympique et dans le conditionnement physique, on quitte la sphère de l’autonomie pour entrer dans celle de l’hétéronomie.

Déterminants de la santé

C’est à ce niveau qu'il faut situer les déterminants de la santé. Selon le glossaire de la promotion de la santé, ce sont «les facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux qui déterminent l’état de santé des individus ou des populations.

Les facteurs qui influent sur la santé sont multiples et agissent les uns sur les autres. La promotion de la santé porte fondamentalement sur l’action et la sensibilisation nécessaires pour prendre des mesures à l’égard de l’ensemble des déterminants de la santé potentiellement modifiables, non seulement vis-à-vis de ceux qui sont liés aux actions des individus, tels que les comportements en matière de santé et les modes de vie, mais également de facteurs tels que le revenu et le statut social, l’instruction, l’emploi et les conditions de travail, l’accès à des services sanitaires appropriés et les environnements physiques. Combinés, ces éléments créent différentes conditions de vie qui ont des effets sur la santé. La réalisation d’un changement de ces modes de vie et conditions de vie, qui déterminent l’état de santé, est considérée comme un résultat intermédiaire en matière de santé.»6

RAISON, TROISIÈME NIVEAU DE L’AUTONOMIE

L’autonomie peut être aussi rationnelle. Elle consiste alors à soulever la question des avantages et des inconvénients d’un médicament ou d’un traitement. Le réseau Internet favorise actuellement ce type d’autonomie avec comme conséquence qu’il risque d’occuper une trop grande place par rapport aux dimensions inférieures de l’autonomie : l’instinct et le rite

Raison et science ici ne font qu’un. Chacun doit comprendre que ce qui constitue la rationalité de la médecine actuelle, son caractère scientifique, c’est moins son panache technologique que la mesure de son efficience et de son efficacité, au moyen d’études où l’on compare un groupe témoin, auquel on a administré un placebo, à un groupe auquel on a administré le médicament étudié. Certes, un appareil de tomographie axiale relève d’une science solide. Mais cette science ce n’est pas la médecine, c’est la physique au service de la médecine. La médecine comme science entre en scène dans la recherche médicale fondamentale certes, mais surtout quand on commence à mettre en balance les avantages et les inconvénients de cette technologie. Comme plusieurs études récentes l’ont montré, il entre plus d’émotivité que de rationalité dans le choix que font les médecins parmi les médicaments qui leur sont proposés.

Il y a des modes en médecine. On est parfois tenté de penser qu'elles sont la règle. Du côté des médecins comme du côté des patients bien entendu, on se passionne souvent pour des traitements, des programmes, des médicaments qui ne présentent de nets avantages que pour l’industrie médicale. En nous comportant de façon autonome face à ces passions, en les combattant en nous-mêmes d’abord, et en exerçant ensuite notre esprit critique à l’endroit de ceux qui en tirent un profit financier, nous veillons à la fois sur notre santé et sur celle de la société. Nous ressemblons à ce médecin de campagne qu'on appelait souvent ainsi parce qu'il soignait, en même temps que les gens, la campagne dans laquelle ils vivaient. Loin de régresser vers une médecine irrationnelle, nous sommes alors à la fine pointe de la médecine comme science, nous pratiquons la médecine fondée sur les faits (EBM, evidence based medicine). Nous exigeons de la médecine qu'elle assume pleinement sa rationalité, ce qui ne nous interdit pas de tirer profit de ce que les thérapies alternatives peuvent nous offrir de positif selon la règle EBM qui coïncide avec le premier principe hippocratique : d’abord ne pas nuire, s’assurer que les effets secondaires négatifs ne soient pas plus importants que les avantages obtenus. Nous veillons efficacement sur notre santé personnelle tout en jouant notre rôle de citoyen responsable des services de santé

LA CULTURE MÉDICALE, GARANTE DE L’AUTONOMIE

La culture médicale, disions-nous, est l’aptitude à intégrer les divers niveaux d’autonomie dans un ensemble harmonieux. Force est de constater que la lecture et l’interprétation des statistiques y occupe désormais une place centrale. Un investissement dans les déterminants sociaux (Voir plus loin la définition) peut très bien prévenir plus de maladies et sauver plus de vies qu'une dépense de même importance dans le cadre de la médecine curative. Hélas! les personnes en cause dans l’intervention sur les déterminants n’ont pas de visage, tandis que ce sont des personnes bien identifiées, parfois  des proches, qui bénéficient d’un traitement coûteux souvent inefficace. Il faut donc beaucoup de courage de la part des autorités politiques et une capacité d’abstraction élevée dans la population pour accroître la part des ressources consacrée aux déterminants.

Il faut aussi pouvoir éviter les pièges des statistiques quand vient le temps de prendre une décision relative à un médicament ou un traitement. Simples à l’origine, les essais cliniques permettant d’évaluer médicaments et traitements, se sont complexifiés avec le temps. Comme chaque nouvelle étape dans la complexification fournit une occasion de manipuler l’opération pour en infléchir les résultats dans la direction souhaitée, seuls de grands experts, connaissant aussi bien les maladies que les méthodes de recherche et les statistiques, peuvent s’y retrouver. Au Québec, le docteur Pierre Biron est l’un de ces experts. S’il faut être de son niveau pour donner tort ou raison à un autre expert qui met en doute la valeur de l’ensemble des essais cliniques7,chacun d’entre nous peut toutefois faire la différence entre une donnée réelle et un pourcentage. Si dans un groupe de cent (100) deux personnes sont guéries dans le groupe traité, contre une dans le groupe contrôle, on peut techniquement dire que le rendement de l’intervention est de cinquante pour cent (50%)! Voyant ces chiffres, la plupart des gens pensent que l’intervention est efficace une fois sur deux. Nous revenons sur cette question cruciale dans la section Enjeux

VARIANTE

La santé c’est l’oubli de la santé. C’est l’enfant qui court vers la mer sans se demander si son cœur soutiendra son effort, c’est aussi Michel-Ange peignant le plafond de la chapelle Sixtine dans des conditions insalubres. Images de l’autonomie et de la joie de vivre. Cette définition est compatible avec celles dont fait état l’Organisation mondiale de la santé, l’une, négative et aujourd’hui abandonnée : «l’absence de maladie et d’infirmité», l’autre positive et faisant désormais consensus : «un état de bien-être total physique, social et mental de la personne».

Cette seconde définition présente un inconvénient majeur par rapport à celle que nous proposons. L’oubli de la santé - ou selon les termes du professeur Leriche « le silence dans le fonctionnement des organes» - est un état où même la souffrance se tait pour permettre à chacun de vivre sa vie. Ainsi définie, la santé est subordonnée à une fin correspondant à la conception que chacun a du bonheur ou du salut. Tandis que la définition de l’OMS est une invitation à une idéalisation de la santé, à une recherche de la santé parfaite, laquelle risque fort de devenir non seulement le but de la vie, mais une obsession faisant passer les grandes œuvres au second plan. On devient alors littéralement malade de la santé.

Renseignements pratiques

Est-il bien vrai que les services de santé sont gratuits au Québec?

Les services hospitaliers le sont depuis 1961. Les soins et les services en cabinet privé le sont depuis 1971. L’assurance médicament remonte à 1997. Ils sont gratuits pour vous en tant que citoyens, mais c’est vous qui les payez en tant que contribuables.

Comment trouver ces ressources gratuites?

Téléphone : au 811, on répondra à vos questions sur votre état de santé et on vous indiquera les ressources appropriées.

Internet : Passeport Santé, tout ou presque ce que vous désirez savoir sur les maladies et les traitements.

Internet : Liste de toutes les ressources8

À quelles portes frapper d’abord?

À celles qui sont au sommet (inversé) de la pyramide de la santé  les centres locaux de services communautaires (CLSC) et les cabinets privés de médecin, les cliniques externes et enfin, mais quand tous les autres recours ont été épuisés, les services d'urgence des hôpitaux. Les CLSC regroupent la médecine de première ligne et les services sociaux fournis localement, ce qui favorise la médecine préventive et le maintien à domicile des personnes âgées ou handicapées. Les CLSC dispensent aussi des soins préventifs en milieu scolaire et dans divers autres milieux. Les hôpitaux ont pour mandat d'assurer les soins curatifs physiques ou psychiatriques. Les centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), publics et privés, reçoivent des personnes qui, en perte d’autonomie physique ou psychique, doivent séjourner en résidence protégée.

Le médecin peut-il ajouter des honoraires à ceux que l’État paie déjà?

Pour être conforme à la loi canadienne qui est à l’origine des systèmes provinciaux, la gestion de chacun de ces systèmes doit être publique, c'est-à-dire à but non lucratif;  la couverture doit être intégrale, le système doit assurer tous les soins médicalement nécessaires; la couverture doit aussi être universelle, offerte à tous et transférable d’une province à l’autre; la surfacturation est interdite, sauf pour les soins qui ne sont pas considérés comme médicalement nécessaires, certaines chirurgies esthétiques par exemple. Ce qui est vrai pour le médecin ne l’est pas pour toutes les professions médicales. Les actes d’un physiothérapeute ou d’une nutritionniste en pratique privée sont à la charge du client. Il en est de même pour toutes les thérapies alternatives. Consolation : quand vous avez recours à ces services, vous réduisez le fardeau financier du système public.

Qui administre le système de santé?

Au Québec, c’est le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec qui établit les priorités, les objectifs et les orientations dans le domaine de la santé ainsi que dans le champ des services sociaux.

C’est le ministère qui établit le budget des hôpitaux, les honoraires des médecins (avec une limite annuelle totale préétablie), le nombre de professionnels de la santé.

L'accès à la pratique médicale en centre hospitalier est également sujet à certaines limites. Les techniques les plus coûteuses, telle la tomographie axiale, de même que la chirurgie de pointe fait l'objet d'une politique ministérielle.

Quelle est la part et quel est le rôle des régions?

La législation québécoise a créé des administrations régionales appelées Agences de la santé et des services sociaux9. On en compte dix-huit. Leur rôle consiste à organiser les services et à allouer les ressources en conséquence, en évitant le dédoublement par des échanges entre établissements ou la mise en commun de certaines ressources. Les agences ont aussi pour mandat d'assurer la participation de la population à la gestion du réseau public des services de santé par l'intermédiaire des conseils d'administration des établissements publics.

Pour les personnes ayant besoin de réhabilitation suite à une déficience physique, intellectuelle ou à une toxicomanie, on a prévu des centres de réadaptation dont le financement est public.

Puis-je choisir mon médecin?

Oui et vous pouvez même en consulter plusieurs, qu'ils œuvrent en institution ou dans un bureau privé. Si vous voulez accéder à un médecin spécialiste, vous devrez peut-être d’abord obtenir une recommandation d’un généraliste. Vous n’aurez rien à payer. Le médecin envoie sa note d'honoraires à l'organisme public payeur, la Régie de l'assurance maladie, qui le rembourse directement. Voici un droit individuel précieux : pour le conserver, il faut éviter d’en abuser.

L’hôpital est-il vraiment gratuit?

Oui, sauf pour ce qui est d’une chambre privée ou semi privée, et pour l'hébergement, dans le cas où des soins de longue durée sont requis. Les frais des personnes indigentes sont alors acquittés par l’État, les autres paient en fonction de leurs revenus jusqu'à un montant maximum.

Et les médicaments?

La règle dans ce cas est de souscrire une assurance privée, souvent offerte sous une forme collective en milieu de travail. Les personnes qui n’ont pas accès à l’assurance privée sont obligées de s'assurer auprès de la Régie de l'assurance maladie, à un coût variant en fonction du revenu de chacun avec un maximum préétabli. Ce coût est très faible pour les personnes indigentes et nul pour les enfants.

Qui paie la note en fin de compte?

Pour l’essentiel, le gouvernement du Québec. Fixée à 50% au début, la contribution du gouvernement fédéral a diminué par la suite, chaque province devant assumer le coût des services qu’elle offre en plus de ceux qui furent initialement approuvés par le fédéral. ? Comptant pour 31 % des dépenses de programmes en 1980, les dépenses de santé en représentent maintenant 45 %, soit 28 milliards de dollars en 2010-2011.

Que faire si l’on n’est pas satisfait du traitement médical reçu?

Les ordres professionnels reçoivent les plaintes des patients. On peut aussi s’adresser à l’ombudsman du Québec, au ministre de la santé lui-même ou à un avocat, de préférence spécialisé en droit de la santé.

 

Illustrations

ILLUSTRATIONS DE L’AUTONOMIE

Herman Smith Johansen

L’influence d’Hippocrate se fait encore sentir aujourd’hui. Quand on demandait à Herman Smith-Johanssen, ce skieur légendaire mort à 111 ans, quel était le secret de sa longévité et de sa vitalité, il répondait dans son français taillé à la hache: «La modération : pas trop manger, pas trop boire, pas trop fumer.»10 Affronter le froid sur la piste, fendre le bois en rentrant au chalet, se réchauffer près du foyer en buvant un verre de bière… En compagnie ? Seulement en bonne compagnie. En mauvaise compagnie, Jack Rabbit fermait sa prothèse auditive. À cent ans, il vivait seul… près d’une piste, ce qui le dispensait de faire l’effort d’un voyage en voiture, pour chausser ses skis.

Ernst Jünger

L’écrivain allemand Ernst Jünger, mort à 102 ans, fut l’un des grands vivants du XXe siècle, l’un de ces vivants qui furent formés par la proximité de la mort : il fut blessé quatorze fois pendant la guerre de 1914-1918. Pendant la guerre suivante, où il remplit des fonctions administratives à Paris, il connaîtra la maladie, sous la forme de troubles digestifs et sur les conseils de son amie Banine, elle-même médecin, il fera un séjour à l’hôpital. Plus tard Banine écrira :

«Jünger est un prototype de santé mentale et physique. Nous ne saurons jamais, ni lui-même sans doute, quelle force probablement spirituelle lui a permis de surmonter sa nature, à l’origine profondément vulnérable d’un point de vue psychique; de transfigurer sa sensibilité de visionnaire, que guette la folie, en une créativité d’une rare richesse. L’histoire, littéraire surtout, foisonne de créateurs qui ont payé par la folie, souvent par le suicide, leur hypersensibilité : Nietzsche, Hölderlin, Gogol, Nerval, Maïakovski, et combien d’autres encore nous offrent leur pathétique image où se mêlent grandeur et misère, richesse et sordidesse – qu’il me soit permis d’employer ce terme de mon invention.»11 Pour demeurer intact jusqu’à la fin, après une vie si dangereuse - il a fait aussi l’expérience de la drogue - et avec une sensibilité extrême, il lui fallait posséder au plus haut degré la capacité de distinguer ce qui lui faisait du mal. Cette faculté, il l’a cultivée par un rapport intime avec la nature. Il aimait les chats et ces derniers lui doivent quelques-unes des plus belles pages jamais écrites à leur sujet. Pour les insectes c’est une passion qu'il avait, une passion qui lui révélera la variété à l’intérieur du monde vivant : nul être n’est pareil à l’autre.

 

«Plus nous nous servons de moyens mécaniques, écrit-il, plus il convient de ne point laisser les organes naturels s’atrophier : il faut les exercer.»

Il en va de même pour le monde spirituel : les « idéogrammes » que l'on se choisit pour y entrer sont la contrepartie de la monotonie envahissante. L'image doit compléter la lettre, l'art la technique, le jeu le travail - les compléter et non les supprimer. Alors seulement le monde pourra former un tout harmonieux, et l'homme rester original, c'est-à-dire lui-même :«..

.Comment, par quel chemin atteindre à la vision d'ensemble, chacun devra le savoir lui-même. Il lui faudra pour cela s'interroger, écouter au fond de lui. C'est de ces profondeurs que lui répondra son penchant, son verum gaudium. J'ai trouvé (dans le royaume des scarabées) une écriture composée d'une centaine de milliers d'idéogrammes, j'ai obtenu l'accès à un monde où nul être n'est pareil à l'autre. Le monde est le pendant exact de la technique, dont la perfection augmente dans la  mesure même où la similitude de la pensée et des objets se répand sur la planète.Cette leçon d’humanité reçue des insectes  est celle dont nous avons besoin pour conserver notre autonomie, laquelle est notre façon d’être unique. 12

Marguerite Yourcenar

Nous avons jusqu’à maintenant associé l’autonomie à la santé mais elle est tout aussi précieuse, sinon davantage dans la maladie. Ayant connu elle-même la maladie et l’ayant observé longtemps chez l’un des êtres qui lui étaient le plus cher, Marguerite Yourcenar a pu décrire avec finesse les subtilités de l’art de composer avec elle. Dans les Mémoires d’Hadrien, l’empereur ruse avec sa maladie.

«J'avais repris des forces: je trouvais même de surprenantes ressources à ce corps qu'avait prostré d'abord la violence de la première crise. On n'a rien compris à la maladie, tant qu'on n'a pas reconnu son étrange ressemblance avec la guerre et l'amour: ses compromis, ses feintes, ses exigences, ce bizarre et unique amalgame produit par le mélange d'un tempérament et d'un mal. J'allais mieux, mais j'employais à ruser avec mon corps, à lui imposer mes volontés ou à céder prudemment aux siennes, autant d'art que j'en avais mis autrefois à élargir et à régler mon univers, à construire ma personne, et à embellir ma vie.»13

ILLUSTRATIONS DE L’HÉTÉRONOMIE

Jules Romains, Knock

Dans les sociétés industrielles, l’hétéronomie prend souvent la forme de la médicalisation, phénomène que Jules Romain a immortalisé par une pièce de théâtre intitulée Knock ou le triomphe de la médecine. Knock est le type même du faux-monnayeur qui établit son autorité personnelle en la camouflant sous une grande cause abstraite, en l’occurrence la médecine. L’année de la publication de Knock, 1922, est aussi l’année où Mussolini prend le pouvoir en Italie. Dans Knock ce n’est pas seulement le pouvoir de la médecine qui est démasqué, c’est aussi le mécanisme du mensonge conduisant au pouvoir politique absolu. Quelques années plus tard, sous le régime nazi en Allemagne la dictature médicale et la dictature politique feront cause commune.

Nous sommes donc en 1922,  dans un village de France appelé Saint Maurice. Knock, médecin d'une redoutable efficacité, a entrepris de faire accéder ledit village à l'âge de la médecine. Il savoure ici sa réussite en compagnie de son confrère le pharmacien. C'est la nuit. On domine la vallée.

«Ce vaste terroir se passait insolemment de moi et de mes pareils. Mais maintenant, j'ai autant d'aise à me trouver ici qu'à son clavier l'organiste des grandes orgues. Dans deux cent cinquante de ces maisons – il s'en faut que nous les voyions toutes à cause de l'éloignement et des feuillages – il y a deux cent cinquante chambres où quelqu'un confesse la médecine, deux cent cinquante lits où un corps étendu témoigne que la vie a un sens, et grâce à moi un sens médical. La nuit, c'est encore plus beau, car il y a les lumières. Et presque toutes les lumières sont à moi. Les non-malades dorment dans les ténèbres. Ils sont supprimés. Mais les malades ont gardé leur veilleuse ou leur lampe. Tout ce qui reste en marge de la médecine, la nuit m'en débarrasse, m'en dérobe l'agacement et le défi. Le canton fait place à une sorte de firmament dont je suis le créateur continuel. Et je ne vous parle pas des cloches. Songez que, pour tout ce monde, leur premier office est de rappeler mes prescriptions; qu'elles sont la voix de mes ordonnances. Songez que, dans quelques instants, il va sonner dix heures, que pour tous mes malades, dix heures, c'est la deuxième prise de température rectale, et que, dans quelques instants, deux cent cinquante thermomètres vont pénétrer à la fois...»14 15

Ray Kurzweil, l’immortel

Ray Kurzweil , directeur de la recherche chez Google depuis janvier 2013 est l’homme de la singularité, ce moment, dans quinze ans, où les machines et les humains vont se combiner pour former un nouvel être immortel. Comment tenir jusque-là quand on plus de soixante ans aujourd’hui, comme c’est le cas de Ray lui-même? Voilà la grande question existentielle de l’heure. Quand notre futurologue annonça cette bonne nouvelle il y a dix ans, il avait plus de jeu. Mais le temps se contracte hélas! même celui du progrès. Pour donner plus de vraisemblance à sa prophétie, Ray a dû compléter les grands moyens scientifiques par les grands moyens commerciaux. Il a lancé une entreprise de suppléments alimentaires appelée : Ray and Terry Longevity products. Terry Grossman est médecin, Ray comme chacun devrait savoir est à la fois informaticien et futurologue. Il a une seule idée, mais il l’exploite à fond dans les deux sens du terme : tout croît ou devrait croître dans le monde, y compris la vie et l’intelligence humaines au rythme de la puissance de nos microprocesseurs : doublement tous les 18 mois. Nos deux marchants ont publié un livre intitulé Transcend :Nine Steps to Living Well for ever. Notons au passage le sens de transcend : aller au-delà de la norme. (Ce n’est pas un usage innocent du verbe de l’espérance.) «Bientôt des robots de la taille de nos cellules vont remonter le courant de notre sang et nous maintiendront dans une santé parfaite en zappant le cancer, en corrigeant les erreurs dans notre ADN, en éliminant nos toxines, en renforçant notre mémoire et en dévorant nos hamburgers avant qu’ils ne gonflent nos cuisses!»16

Il va sans dire que boire quand on soif est à ses yeux un pur préjugé gothique. Nos sens nous trompent, disait Descartes. Ray est un cartésien extrême : il est persuadé que nos sens internes nous trompent encore plus que nos sens externes. Allez donc faire confiance au corps dans ces conditions. Il faut, on contraire, le corriger à l’avance en prenant entre 150 et 250 pilules par jour, gloutonnerie pharmaceutique dont Ray donne lui-même l’exemple. Descartes a aussi écrit «Je pense, donc je suis.» Ray en est persuadé : je suis mon cerveau, le cerveau est un muscle, penser c’est exercer ce muscle, je pense, donc je suis : CQFD.

Ce type est un amuseur, pourquoi vous acharner contre lui? Vous discréditez ainsi votre cause. Ce fou hélas! a l’influence de mille sages. Il pousse à sa limite en en explicitant les mobiles une tendance déjà très forte : il veut que le plus petit d’entre nous soit traité comme un champion olympique ou un cosmonaute en exercice, c’est-à-dire aux ordres physiologiques de la tour de contrôle. Cela sous le signe de l’immortalité chronométrée, du paradis sur terre grâce à la technoscience, un paradis obtenu en réduisant le mystère de la transcendance à un problème technique d’ascenseur pour l’en-deçà.

Le self-tracker17

Jusqu’à ce jour les hommes n’ont fait qu'écouter leur corps, l’heure est venue de le mesurer! Moyennant des tests sanguins, au rythme de deux ou trois par année, on peut suivre à la trace une cinquantaine d’indicateurs dans autant d’organes; mais cette méthode est déjà dépassée par les senseurs aux mille fonctions que l’on peut insérer dans l’organisme ou à sa surface. Ces senseurs peuvent être équipés d’ordinateurs microscopiques communiquant avec un Ipod lui-même branché sur un satellite et un système GPS. La voix d’outre-ciel qui vous dit aujourd’hui de virer à droite, vous dira demain qu'il est temps pour vous de faire de l’exercice. Les start-ups voulant occuper ce marché prometteur se multiplient en ce moment. Le magazine The Economist 18voit là une forme nouvelle de prévention qui devrait contribuer à réduire les coûts de la santé.

La voiture sans chauffeur

Au même moment, Google, de concert avec Toyota, lance la première voiture sans chauffeur, laquelle après un essai sans fautes sur 140 000 kilomètres est autorisée à circuler sur les routes du Nevada. L’industrie du self-tracking pourra ainsi exploiter deux grands marchés simultanément, celui du transport et celui de la médecine, les senseurs et les rayons laser utilisés dans un secteur pourront l’être aussi dans l’autre. Mais n’est-il pas paradoxal que l’on veuille ainsi assimiler à la machine un organisme humain, hier encore autonome, tandis que l’on s’efforce, dit-on déjà, de rendre la machine autonome! On le dit, mais en réalité il n’en est rien. L’automobile ne devient pas un être vivant, elle est seulement dirigée par d’autres machines formant un réseau lui-même dirigé par une machine logique appelée logiciel.

Pour ce qui est de l’être humain, on ne peut qu'être saisi d’horreur par ce qu'on entrevoit à l’horizon prochain. Pour le moment, la conscience du self-tracker, ultime signe de la vie en lui, sert encore d’intermédiaire entre la voix du Ipod et la promenade, mais il est clair qu'on atteindra un plus haut degré d’efficacité le jour où l’ordre de marcher sera donné directement au cerveau et aux mollets!

 

ANECDOTES

Guérie par la convivialité d’un corridor de salle

Pour la première fois, cette octogénaire ne donne pas signe de vie à ses enfants à l’époque des fêtes. Ils s’en inquiètent et se rendent chez elle pour constater qu'elle ne quitte pas sa chambre et semble confuse par moments. On la conduit à l’urgence et elle retrouve ses sens et ses esprits au contact des personnes qui, comme elle, sont étendues sur des civières dans un couloir. Sa famille découvre alors qu’une partie de ses souffrances est liée à son isolement dans sa maison située dans un quartier sans vie communautaire.

L’oudénothérapie ou guérison par le rien par Henri F. Ellenberger

«Pour en revenir à la médecine, un des pièges les plus subtils de la pratique clinique consiste dans le fait que les guérisons spontanées sont souvent plus fréquentes qu'il ne paraît, mais leur existence est masquée par l'application de médicaments qui, ou bien agissent comme placebo, ou bien exercent un effet iatrogène retardant la guérison. Il y eut dans l'histoire de la médecine des épisodes où le progrès consista surtout à éliminer les traitements inutiles ou nuisibles.

C'est ainsi que Josef Skoda, un célèbre médecin de Vienne au XlXe siècle, enseignait la méthode du «nihilisme thérapeutique», c'est-à-dire qu'il interdisait l'usage de la saignée, des ventouses scarifiées, des moxas et la prescription de médicaments dangereux, à une époque où la pharmacologie expérimentale était presque inexistante. Skoda ne prescrivait que des médicaments dont l'efficacité était démontrée (il y en avait très peu). À la même époque, le psychiatre Eugen Bleuler à Zurich pratiqua souvent ce qu'il appelait «oudénothérapie». Systématiquement, il n'administrait aucun médicament d'efficacité incertaine. Le phénomène de la guérison spontanée est fréquent en psychiatrie. De nombreuses névroses, même graves, guérissent spontanément. Il est bien connu que dans les cliniques psychothérapiques qui ont une longue liste d'attente, beaucoup de névrosés guérissent spontanément avant que n'arrive leur tour.» La guérison et ses artisans19.

Enjeux

HYGÉE ET PANACÉE

On ne peut comprendre les enjeux actuels dans le domaine de la santé qu'en les situant dans une perspective historique, ce que nous ferons ici en faisant appel à deux figures mythiques, Hygée et Panacée, les deux filles du dieu grec de la médecine Asclépios. Elles symbolisent les deux tendances entre lesquelles oscille la médecine dans son histoire. Hygée, son nom le dit, symbolise l’approche environnementale, l’hygiène au sens le plus large du terme. Panacée symbolise l’approche interventionniste. Le mot panacée ne signifie-t-il pas remède universel?

Le siècle d’Hygée

Le XIXe siècle au complet a été marqué par le règne d’Hygée. Vers le milieu de ce siècle John Snow gagne une première grande bataille contre le choléra en dépolluant l’eau de Londres, Semmelweis dans une salle d’accouchement de Vienne ouvre la voie à l’asepsie en combattant les fièvres puerpérales par des mesures d’hygiène, comme le lavement des mains. Florence Nightingale, par des mesures semblables, transforme les mouroirs qu'étaient les hôpitaux militaires en des lieux vraiment hospitaliers. L’hygiéniste allemand Max von Pettenkofer est l’un des personnages les plus représentatifs de cette époque. La grande question de l’heure était la suivante : faut-il attacher plus d’importance au microbe que Pasteur venait de découvrir qu'au terrain? Par terrain il faut entendre l’organisme dans son ensemble et le milieu avec lequel il est en symbiose.

La foi de Pettenkofer dans la science était telle qu'il avala un jour un centimètre cube d'un bouillon de culture de bacilles cholériques frais pour éprouver leur nocivité. «Même si cette expérience mettait ma vie en danger, disait-il, je regarderais solennellement la mort en face... je mourrais au service de la science comme un soldat au champ d'honneur.» Par ce geste théâtral, il manifestait sa vive opposition aux théories de Pasteur et de Koch concernant le lien entre les micro-organismes et l'infection. Seul le terrain importait à ses yeux. Le fait est qu'il n'a pas attrapé le choléra. Notons que ce que Pettenkofer nomme ici science est une discipline plus proche de la géographie médicale que de ce que nous appelons aujourd’hui la médecine. Cette dernière certes, avait eu en tant que science ses grands théoriciens, dont Claude Bernard, mais elle n’avait pas encore fait ses preuves sur le terrain justement.

La revanche de Panacée et le triomphe de la médecine

C’est l’asepsie qui assura le développement de la médecine interventionniste par excellence : la chirurgie. Mais il faudra toujours se souvenir que cette victoire de Panacée a été rendue possible par Hygée, par une hygiène dans les lieux de traitement que Semmelweiss et Florence Nightingale avaient mise en pratique sans connaître les microbes découverts par Pasteur.

Cet essor de la chirurgie combiné avec la découverte des premiers grands médicaments, dont les antibiotiques, devait remplir l’institution médicale d’une euphorie qui devint vite suspecte à force d’être excessive. Cette euphorie atteignit son sommet au moment où il sembla à tous évident que la streptomycine avait permis d’éradiquer la tuberculose.

Le retour d’Hygée

René Dubos, ce chercheur de l’Institut Rockefeller qui avait découvert le premier antibiotique, la gramicidine, devait bientôt rétablir les faits au sujet de la tuberculose. Il démontra20, qu’elle était en régression depuis près d’un siècle et que la streptomycine n’avait fait qu'accélérer le processus vers la fin.

L’épidémiologiste anglais Thomas McKeown 21démontra, au début des années mil neuf cent-soixante, que la première cause de l'amélioration de la santé de ses compatriotes, de 1838 à nos jours, n'avait pas été la médecine curative, mais des facteurs comme le contrôle de la croissance démographique, l'amélioration de la nourriture et l'assainissement de l'environnement.

C’est dans ce contexte que Rachel Carson et René Dubos, alors chroniqueur au New York Times et vedette de la télévision lancèrent le mouvement écologique contemporain. Selon Pierre Dansereau, ce qui a ouvert l'ère écologique aux États-Unis vers le milieu de la décennie 1960, ce fut une émission de télévision où René Dubos expliqua «que dans ses efforts pour limiter les méfaits des émanations corrosives, l'industrie automobile dépensait plus d'argent dans la recherche de techniques pour améliorer l'émail des carrosseries que pour protéger les poumons humains». René Dubos est aussi celui à qui nous devons la formule : Agir localement penser globalement.

La décennie 1980 sera marquée, tout particulièrement au Québec, par l’émergence des médecines alternatives, lesquelles en raison de l’importance qu'elles accordent au terrain, à l’organisme dans son ensemble, à la vis medicatrix naturae ont plus d’affinités avec Hygée qu’avec Panacée. C’est l’époque où les acupuncteurs et les sages-femmes furent officiellement reconnus et où dans le public la grande intuition de l’heure se résumait en une formule : écoute ton corps. Comme si ce public avait attaché la plus grande importance à la mise en garde de Lewis Thomas.

Panacée…à jamais?

Gardons-nous toutefois de penser que pendant ce retour en gloire d’Hygée, Panacée cessait de fourbir ses armes. Les progrès conjugués des techniques informatiques et des techniques génétiques allaient au contraire lui donner un élan si fort qu'aujourd’hui Hygée semble avoir à jamais concédé la victoire à son éternelle rivale. Depuis le début du XXIe siècle, les humains s’estiment si heureux de remettre leur santé entre les mains de Panacée qu'ils envisagent sereinement de s’assimiler ainsi à la machine, de devenir des post humains. Les maladies mentales elles-mêmes sont traitées avec les méthodes de Panacée.

Tant et si bien que l’industrie pharmaceutique s’est emballée et que, non contente de s’enrichir en créant de nouveaux remèdes pour les maladies reconnues, elle a entrepris de créer de nouvelles maladies et d’élargir le périmètre de certaines autres. On connaissait depuis longtemps l’existence les maladies iatrogènes. Au début de la décennie 1970, Ivan Illich, en publiant la Némésis médicale, les avait fait entrer dans le débat public mondial. Le nouveau phénomène est plus englobant.

On peut déjà associer deux noms à cette nouvelle étape dans l’histoire de la médecine, celui de deux anciens directeurs du New England Journal of Medicine, Arnold S. Relman et Marcia Angell, la première femme à occuper ce poste. Amis depuis longtemps, mariés depuis 2009, ces deux médecins forment un couple royal de la médecine américaine, ce qui ne les empêche pas d’être plus critiques à l’égard de cette médecine qu’Ivan Illich ne l’avait été au cours du siècle dernier!

Dans un article paru le 3 septembre 2008, le JAMA, Journal of the American Medical Association résume les idées que Marcia Angell avait exposées précédemment dans un livre intitulé La vérité sur les compagnies pharmaceutiques.

« Au cours des deux dernières décennies, l'industrie pharmaceutique a acquis un contrôle sans précédent sur l'évaluation de ses propres produits. Les firmes pharmaceutiques financent désormais la plupart des recherches cliniques sur les médicaments d’ordonnance. Et les preuves qui s’accumulent indiquent qu’elles falsifient fréquemment la recherche qu’elles sponsorisent, afin de faire paraître leurs médicaments plus efficaces et plus sûrs qu’ils ne le sont en réalité.» 22

Dans une interview qu'elle accordait récemment à l’émission télévisuelle française Cash Investigation, Marcia Angell va droit au but :

«Les compagnies pharmaceutiques, dit-elle, créent de nouvelles maladies pour vendre plus de médicaments, parfois elles les créent de toutes pièces, parfois elles étendent leur périmètre.» La personne en santé est un malade qui s’ignore! Reprenant à son compte les mots du docteur Knock dans la pièce éponyme de Jules Romains, Marcia Angell déclare avec une assurance souriante : «L’humanité se divise en deux catégories : il y a ceux qui sont malades et ceux qui ignorent encore qu'ils le sont. L’industrie pharmaceutique s’est donnée pour mission de les sortir de cette ignorance.»23

En France, elle dépense 25 000$ par médecin pour recruter des partenaires en pédagogie médicale. Selon une étude de l’Université York, les compagnies pharmaceutiques dépensent presque deux fois plus en marketing de leurs produits qu’en recherche et développement de nouveaux médicaments (24.4%  de dollars pour la promotion des ventes contre 13,4% pour la R&D). 24

L’esprit critique aura tardé à se manifester en France avec autant de force qu'aux États-Unis, mais à en juger par les résultats de l’enquête menée sur le médicament Mediator par de récents articles dans le journal Le Monde et par des émissions de télévision comme les Vendeurs de maladie, le pays de Molière et de Jules Romains sort peu à peu de son aveuglement et demande aux grands maîtres de sa médecine de rendre des comptes.

Voici le témoignage de Florence Amrouche, 49 ans, ancienne visiteuse médicale (représentante d’une compagnie pharmaceutique) aujourd’hui membre du Formindep ("pour une formation et une information médicales indépendantes")

"Durant vingt années, de 1990 à 2010, elle a été visiteuse médicale pour l'un des principaux laboratoires pharmaceutiques français. "J'ai vu l'arrière-cour de la médecine, elle n'est pas reluisante." Écœurée par "la gabegie d'argent, la corruption", Florence Amrouche a adhéré au Formindep il y a deux ans. Désormais mandataire judiciaire, elle se bat pour obtenir25 le RSA à de jeunes schizophrènes quand, il y a quelques années, elle disposait d'une enveloppe hebdomadaire de cadeaux aux médecins d'un montant de 30 000 euros!

"A l'hôpital, j'avais l'impression d'être un traiteur. J'apportais les croissants le matin, les petits fours et le champagne le midi, pour présenter quelques diapositives en me greffant sur une formation interne. Le soir, les chefs de services hospitaliers faisaient venir des généralistes et spécialistes de l'extérieur et présentaient le diaporama très favorable au laboratoire que je leur avais fourni. Ils touchaient 2 500 euros la soirée. Je les recrutais très soigneusement, pour leur pouvoir d'influence. Ils étaient nos leaders d'opinion. Nous financions aussi leurs services en leur commandant des études cliniques."

LE FAÇONNAGE DE MALADIES

Il faut regarder ce façonnage à la loupe pour en mesurer toute la portée. L’ostéoporose est une fragilisation des os, ce n’est pas plus une maladie qu'un autre signe de vieillissement, les rides par exemple. On peut tout au  plus la considérer comme un facteur de risque d’une fracture de la hanche par exemple. Sauf si on prend les os d’une personne de 30 ans comme critère de normalité. Ce qu'on a fait au cours de la décennie 1990, étendant ainsi le périmètre d’une maladie qui n’en est pas une et faisant surgir de par le monde des dizaines sinon des centaines de millions de nouveaux clients pour des médicaments comme le Fosamax de Merck, appartenant à la classe des bisphosphonates.

Le principal argument de vente de Merck est irrésistible. Le Fosamax réduit de 50% les risques de fracture de la hanche pour les personnes ayant un diagnostic d’ostéoporose. Voici les faits. Pour cent (100) personnes engagées dans un essai clinique deux (2)auront une fracture de la hanche dans le groupe témoin contre une  dans le groupe des consommateurs réguliers de Fosamax. Est-ce bien ce que les gens comprennent quand on leur promet un taux de réussite de 50%?

Le mensonge est si manifeste et si grossier que l’on s’étonne qu'il ait pu être avalé si longtemps, non seulement par les patients et des médecins ordinaires, mais par des personnes en principe aussi éclairées. On ne se salit pas les mains, on fait mentir les chiffres, en restant dans la rectitude statistique, mais le résultat n’en est pas moins sale et tragiquement réel. On en découvre toute la gravité quand on voit les victimes de la nécrose de la mâchoire. Aux États-Unis,  1 700 plaintes liées au Fosamax ont été déposées. Selon le JADA, revue de l’association américaine des dentistes, le risque de subir cet effet indésirable est de 1 sur 23,26 soit 6 000 fois plus que les chiffres avancés par Merck. Tandis que la probabilité d’éviter une fracture de la hanche est de 1%.Pourquoi dans ces conditions la compagnie Merck n’a-t-elle pas mené sa propre recherche sur la question? Ou pire encore, pourquoi n’a-t-elle pas révélé les données qu'elle possédait déjà? La fracture du fémur, sans choc violent pour l’expliquer, est un autre effet secondaire du Fosamax. Merck l’a inscrite sur sa liste des effets secondaires dans les termes suivants. Nous reproduisons le tableau original de la compagnie.

La lecture et l’interprétation des statistiques est désormais au cœur de la culture médicale. D’autres exemples? Quand en 1998 on a abaissé le seuil où le cholestérol devient un facteur de risque de 240  à 200 aux États-Unis seulement, 42 millions de nouveaux consommateurs de statines sont apparus dans le collimateur des compagnies. Dans ce cas, le mensonge statistique est tout aussi choquant que dans le précédent. On arrive à prouver que certains médicaments abaissent le taux de cholestérol. On les déclare efficaces pour cette raison. Mais que signifie cette efficacité tant que l’on n’a pas démontré que la réduction du taux de cholestérol entraîne celle des troubles cardiaques mortels. Le fait est que les maladies cardiaques sont en baisse constante depuis plus de trente ans , mais personne n’a pu dire exactement pour quoi. On peut seulement présumer qu'il faut chercher la cause principale du côté de l’amélioration des habitudes alimentaires et de l’exercice physique.

Depuis 1995, le Fosamax a rapporté 3 milliards par année à Merck. Des médicaments de ce genre contre l’ostéoporose il en existe une dizaine. Cet argent aurait probablement été beaucoup plus efficace pour la santé publique s’il avait été consacré à la lutte contre la pauvreté. C’est toutefois seulement par des statistiques que l’on pourrait démontrer cette efficacité, des statistiques qui hélas! n’ont guère d’attrait pour les gens parce qu’elles concernent tout le monde mais personne en particulier. Tandis que les statistiques manipulées des compagnies pharmaceutiques sont présentées comme des promesses faites à des individus : avec Fosomax vous avez une chance sur deux d’éviter une fracture de la hanche!

Jusqu’à récemment le prestige de la science était resté associée à la recherche permettant la mise au point de nouveaux médicaments et de nouveaux traitements. Pour juger de l’efficacité de ces nouveaux produits, on s’en remettait à l’opinion des médecins et des malades. Nous l’avons vu, on a constaté à propos de la streptomycine notamment que ce procédé pouvait être trompeur. Les essais cliniques, où l’on compare un groupe traité à un groupe témoin auquel on a administré un placebo, se sont imposés par la suite et c’est désormais à ces études que le prestige de la science est associé. Les nouveaux appareils de diagnostic, l’appareil de tomographie axiale par exemple, relèvent de la physique; ils n’appartiennent à la médecine comme science que dans la mesure où l’on peut démontrer leur efficacité.

Le premier grand essai clinique a été mené immédiatement après la guerre de 1939-45  par l’épidémiologique anglais Archibald Cohrane. Vingt ans plus tard, les résultats provoquèrent une onde de choc : on avait divisé au hasard en deux groupes cinquante (50) personnes souffrant de la même maladie cardiaque. Les membres du premier groupe ont été soignés à l’hôpital, les membres de second groupe sont rentrés à la maison. Ils ont vécu plus longtemps que les autres.

Archibald Cochrane est entré dans l’histoire. La Cochrane Collaboration est le groupe d’experts le plus fiables au monde pour ce qui est de l’évaluation des traitements et des médicaments. Ne peuvent faire partie de ce groupe que des médecins n’ayant jamais reçu d’honoraires des compagnies pharmaceutiques. Rappelons au passage qu'Ivan Illich s’est appuyé sur les travaux de Dubos et de Cochrane pour .écrire la Némésis médicale, un livre qui ébranla l’institution médicale au début de la décennie mil neuf cent soixante-dix..

L’obsolescence du médecin

Le médecin est-il une espèce menacée? La question a été posée le plus sérieusement du monde dans un article récent  de The Atlantic 27intitulé The robot will see you now. L’actuelle crise d’identité du médecin a commencé il y a une vingtaine d’années. Incité par le paiement à l’acte à ne voir ses patients que quelques minutes, invité à s’effacer au moment des grandes décisions devant des appareils, des tests objectifs et systèmes experts traitant un plus grand nombre de variables que lui, il apparaissait de plus en plus comme un appendice de la machine dont il est en principe le maître.

Quand Watson entrera en scène dans quelques années cette emmachination de la médecine s’accéléra. Watson c’est cet hyperordinateur d’IBM qui a gagné en 2011 au jeu questionnaires Jeopardy. En plus de pouvoir digérer les 30 000 nouveaux articles scientifiques paraissant chaque mois, il aura reçu, pour ce qui est du cancer, la meilleure formation de base, celle de ce Sloan Kettering Institute dont Lewis Thomas fut le directeur.

Quel malade voudra se priver d’un tel outil? Il faudra s’attendre à ce que les compagnies d’assurance et les États exigent qu'on l’utilise.  Ce malade aura d’ailleurs l’embarras du choix des smartphones 28munis de capteurs leur permettant de faire les tests les plus variés : séroposivité, diabète, trisomonie pour la femme enceinte. Récemment dans un avion allant de Washington à Los Angeles, l’un des capteurs a établi un électroencéphalogramme inquiétant. Le smartphone du passager en cause a transmis l’information à son dossier électronique. L’avion a fait une escale d’urgence et l’histoire s’est bien terminée. Pour pouvoir suivre à la seconde près certains adolescents malades on a fabriqué pour eux une veste munie d’un grand nombre de capteurs. Il la porte sur la peau, sous leur camisole

Dans la Silicone Valley, les enthousiastes de la techo ne voient plus la nécessité, voir même l’utilité du médecin. Ailleurs on lui réserve un rôle dont l’importance et le coût ira décroissant. Les médecins les mieux payés seront ceux qui alimenteront Watson. Ce sont les techniciens en informatique qui sont en demande aujourd’hui dans les hôpitaux.

Fâcheux dilemme. Pour bien marquer leur place centrale par rapport aux praticiens des thérapies alternatives les médecins se sont présentés comme des savants courant ainsi le risque d’être dépassés par la machine. Dans une enquête menée en 2007, l’anthropologue Marie-Claude Bourdon a interviewé six médecins à qui elle a demandé s’ils se percevaient comme des guérisseurs, comme des personnes charismatiques qui en raison de la qualité de leur présence peuvent induire un effet placebo déterminant? Ce titre ne leur a guère plus. Il faut préciser qu'ils ont été choisi à leur entrée en faculté en raison de leurs notes en sciences en non en raison de leur chaleur humaine.

Il reste qu'en les ramenant à la partie subjective de leur art Marie-Claude Bourdon leur ouvre un avenir auquel ils devront renoncer à vouloir se réduire à leur rôle de savant.

«Le médecin est-il aussi un guérisseur ? Sans doute, au sens où la question n’en est pas une, au sens où celui qui fait acte de guérir est, par définition, un guérisseur. La plupart du temps, à cause de la connotation magique du mot et parce qu’il estime que sa fonction ne se résume pas à « guérir » (dans le sens d'« éradiquer la maladie »), le médecin ne se voit pas comme un guérisseur. Mais il fait beaucoup de choses que font les guérisseurs. Selon nos informateurs, il a pour tâches principales d’identifier la source du mal, de suggérer un traitement (parfois de l’appliquer) et d'accompagner le patient dans le parcours destiné à le ramener au meilleur état de santé possible selon sa condition, en assumant une partie de son angoisse. Malgré ce qu'en pensent plusieurs d’entre eux, cela se rapproche beaucoup du rôle du guérisseur.»29

Jalons

CULTIVER L’AUTONOMIE BIOLOGIQUE

Nous appelons ici biologique l’autonomie fondée sur les indications données par le corps. Les instincts de l’animal survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.30 Cette observation de Konrad Lorenz a conservé toute sa pertinence. Que faire pour permettre à cette ébauche de se manifester et de se renforcer?

De même qu'il faut boire de l’eau quand on a soif, de même il faut bouger quand on en a envie, mais encore faudrait-il aménager le temps et l’espace pour qu'il soit possible de satisfaire partout son besoin d’exercice. Si dans les pays riches il y a partout de l’eau à portée de la main, il n’y a pas d’espace vierge et d’air pur à côté de chaque bureau et de chaque usine. Un centre de condition physique ou un gymnase ne seront jamais qu'un moindre mal. L'être humain ressemble encore à l'oiseau migrateur. Il est soumis à la polarité. Il se déplace d'autant plus facilement qu'il est attiré par un but enchanteur : beauté du paysage, ivresse de l'air de la montagne, parfum des fleurs, saveur des champignons, attraits d'une ville comme le vieux Québec où dans certaines rues la vue est réjouie par le caractère à la fois unique et varié des maisons anciennes, et par l'attrait des boutiques qui jalonnent les rues étroites conduisant au fleuve.

L’exemple parfait du lien polaire nous est donné par le caneton qui court vers l’étang même s’il n’a jamais appris à le faire. La mer et la plage ensoleillée attirent les humains de la même manière. Dans le lien polaire, le but mobilise, chez celui auquel il convient, l’énergie nécessaire pour l’atteindre. Là où il n’y a pas de lien polaire et où il faut pourtant agir, un effort épuisant de la volonté est nécessaire. Les situations de ce genre sont très nombreuses dans le monde moderne.

C’est là une raison suffisante pour ne pas introduire les efforts de volonté trop tôt et trop systématiquement dans la vie de l’enfant. Éduquer c’est nourrir par des liens polaires rappelant l’attrait exercé sur le nourrisson par le sein de sa mère. Le dressage par des efforts de volonté doit être limité à un rôle complémentaire. Un enfant intact, un enfant dont les mouvements instinctifs n’ont pas été érodés par les stimuli artificiels, ne s’ennuie jamais dans la nature. Il apprend facilement le nom des étoiles et des plantes, s’attache à chaque nuage pour en suivre le cours dans le ciel plutôt que de se réfugier devant un écran de télévision. Les bêtes, les plantes, les ruisseaux qui n’étaient d’abord pour lui que des choses à manipuler, deviennent des présences à aimer, des pôles dont on il est heureux de subir l’attrait, des invitations à la promenade.

Est-il bien nécessaire d’attendre des confirmations de la science pour faire l’hypothèse que la familiarité avec les présences extérieures induit une familiarité semblable avec les besoins. Dans le Nord Est de l’Amérique du Nord, le goglu est l’un des oiseaux les plus joyeux. Le chardonneret est imprévisible, avec son vol tout en chutes et en rebondissements, l’hirondelle est vive, le merle est sérieux, le tyran tritri déterminé et efficace, le goglu est tout entier à sa joie; il est incapable de la contenir, elle lui dicte l’allure virevoltante de son vol et de son chant, et quand il est en communauté, on croit voir, sa tête étant jaune, un tourbillon de petits soleils. Hélas, comme ils font souvent leur nid dans un champ cultivé, on n’est jamais sûr qu'il ne sera pas écrasé par les roues d’un tracteur. Reviendront-ils le printemps prochain? La joie se transforme en peine chez celui qui les observe. Il devient ainsi sensible à sa propre fragilité et aux besoins qui s’y rattachent.

Cette symbiose avec la nature a une signification qui va bien au-delà des exigences de l’autonomie individuelle. Les fondements de l’autonomie se confondent ainsi avec ceux de l’écologie. «Non seulement nous sommes partie intégrante du cosmos, mais, en tant que produit de toute l’histoire de l’évolution, nous portons en nous tous les degrés d’existence ainsi que les trois règnes (minéral, végétal, animal) du monde naturel. La nature est donc inscrite au plus profond de notre corps et de notre âme. Elle est part de notre inconscient et de notre identité, laquelle n’est pas seulement individuelle et sociale, mais aussi cosmique.»31

CULTIVER L’AUTONOMIE CULTURELLE

L'ÎLE OÙ LES HOMMES OUBLIENT DE MOURIR : ICARE

Le journal américain The New-York Times a publié le 24 octobre 2012 un article extraordinaire intitulé « L'île où les gens oublient de mourir »32 (The Island Where People Forget To Die).

Il rapporte l'histoire d'un combattant de la seconde Guerre mondiale d'origine grecque, Stamatis Moraitis, qui partit s'installer aux États-Unis après l'Armistice.

Alors qu'il avait adopté le style de vie américain, avec villa en Floride, deux voitures, trois enfants, Stamatis Moraitis apprit en 1976 qu'il avait un cancer des poumons. Neuf médecins confirmèrent le diagnostic et lui donnèrent neuf mois à vivre. Il avait 62 ans.

Il décida alors de retourner avec son épouse sur son île natale d'Icare, en mer Egée, pour y être enterré aux côtés de ses ancêtres dans un cimetière ombragé surplombant la mer. Stamatis s'installa dans une maisonnette blanchie à la chaux, au milieu d'un hectare de vignes escarpées, sur la côte nord-est d'Icare, et se prépara à mourir...

Il se prépare à mourir, et il se trouve qu’il a aujourd’hui quatre-vingt dix-sept ans. Et son cas n’est pas exceptionnel. Sur la ville d'Icare, le démographe belge Michel Poulain a déterminé dans une étude avec l'Université d'Athènes que les habitants atteignent l'âge de 90 ans deux fois et demi plus souvent que les Américains. Les hommes, en particulier, ont même quatre fois plus de chance d'atteindre 90 ans que les Américains, et en général en meilleure santé ; leur taux de démence sénile n'est que d'un quart de celui de la population américaine!

Les secrets d'Icare

Selon le Docteur Leriadis, qui vit et soigne les habitants d'Icare, leur bonne santé tient à leur mode de vie et aux bonnes relations sociales qui existent entre les habitants, mais aussi à une sorte de tisane, « le thé des montagnes », faite d'herbes sèches qui poussent sur cette île, et qui est consommée en fin de journée: il s'agit d'un mélange de marjolaine sauvage, de sauge, de romarin, d'armoise, de feuilles de pissenlit et de menthe (fliskouni), auquel on ajoute un peu de citron.

Le Dr Ionna Chinou, professeur de Pharmacie à l'Université d'Athènes, et une des meilleures expertes européennes des propriétés bioactives des plantes, confirme : la menthe sauvage combat la gingivite et les problèmes gastro-intestinaux. Le romarin est un remède contre la goutte. L'armoise améliore la circulation sanguine. Cette tisane est une source importante de polyphénols, aux fortes vertus antioxydantes. La plupart de ces plantes sont légèrement diurétiques, ce qui est bon contre l'hypertension.

Le miel, aussi, est considéré comme une panacée. « Ils ont des types de miel ici, que vous ne verrez nulle part ailleurs dans le monde », selon le Docteur Leriadis. « Ils l'utilisent pour tout, depuis le traitement des blessures à la gueule de bois, ou contre la grippe. Les personnes âgées ici commencent toujours leur journée par une cuillerée de miel, qu'elles prennent comme un médicament. »

Les bases de l'alimentation à Icare

Au petit-déjeuner, les habitants d'Icare prennent du lait de chèvre, du vin, de la tisane de sauge ou du café, du pain et du miel. Au déjeuner, ce sont presque toujours des lentilles ou des haricots, des pommes de terre, de la salade de pissenlit, de fenouil et d'une plante ressemblant aux épinards appelée horta, ainsi que les légumes du potager selon la saison, le tout accompagné d'huile d'olive. Le dîner se compose de pain et de lait de chèvre. A Noël et à Pâques, ils tuent le cochon familial et mangent le lard par petites quantités pendant les mois qui suivent.

A noter que le lait de chèvre contient du tryptophane, un acide aminé précurseur de la sérotonine, l'hormone de la bonne humeur.

Le Dr. Christina Chrysohou, cardiologue à la Faculté de Médecine de l'Université d'Athènes, a étudié le régime de 673 habitants d'Icare, et a constaté qu'ils consomment six fois plus de légumineuses (haricots, lentilles, pois) que les Américains, mangent du poisson deux fois par semaine et de la viande cinq fois par mois, et boivent deux à trois tasses de café et deux à quatre verres de vin par jour.

Le National Geographic Magazine a publié récemment un dossier sur trois régions du monde où les nonagénaires pleinement autonomes et les centenaires sont beaucoup plus nombreux que dans la moyenne des régions du monde. Ces régions sont l’île grecque Icaria, une partie de la Sardaigne, l’île d’Okinawa au Japon et la ville de Loma Linda en Californie. Les explications les plus plausibles sont les mêmes dans les trois cas et correspondent à ce qu'on avait observé au début du XXe siècle chez les Hunzas : familiarité avec la nature, qualité de la nourriture, haut degré de sociabilité, culture authentique et vivante, etc.

CULTIVER L’AUTONOMIE RATIONNELLE

LA SUBSIDIARITÉ 

Pour veiller sur sa propre santé dans le respect du principe autonomie, il faut partir de l’idée que tout ce qui peut être réglé à un niveau inférieur doit l’être. C’est là l’équivalent de ce qu'on appelle en politique la subsidiarité.

Rares sont les médecins qui parlent de leur profession avec autant d’esprit que Molière dans le malade imaginaire et Jules Romains dans Knock. Le docteur Robert Mendelsohn fut l’un d’entre eux. Voici son interprétation du principe de subsidiarité en médecine :

«Ma première règle donc est la suivante : évitez  ce qui en ma qualité de médecin, me trouble un peu, d'aller chez le docteur ; allez voir un parent, parlez à grand-mère ou à une tante ou à quelqu’un de votre famille qui a une grande expérience dans le soin des malades ; si cela ne suffit pas, allez voir ce qu’on appelle les nouveaux thérapeutes, les réflexologues, les nutritionnistes et les gérants de magasins d’aliments naturels et j’en passe. Vous remarquerez que tous ces guérisseurs parallèles bénéficient d'un grand avantage : la loi leur interdit de prescrire des médicaments ou de pratiquer des opérations chirurgicales ; ils ne sont donc pas dangereux : ils ne peuvent vous causer autant de tort que les docteurs. Bien sûr, les docteurs les qualifient de charlatans. La raison pour laquelle ils les qualifient de charlatans, c'est qu'ils redoutent d'être les premiers traités de charlatans. Le Office of Technology Assessment    (Bureau d'Evaluation des Technologies) du Congrès américain a mené une étude publiée en 1979 ou elle a démontré que seulement 10 à 20% des médicaments en circulation aux États‑Unis se sont avérés à la fois sans effets secondaires graves et efficaces. Cela signifie que seulement 10 à 20% des remèdes distribués aux Etats‑Unis sont, du point de vue scientifique, valables, ce qui veut également dire que les autres, soit 80%, sont à cacher néfastes ou nuls : c'est une façon polie de dire que c'est du charlatanisme médical.[…]

Si vous allez voir un nouveau thérapeute, si vous vous en portez bien et si vous le dites à votre docteur, il vous répondra, car c'est ce qu'on lui a enseigné : “Guérison spontanée”. Ce qui, en ma qualité de médecin, me trouble un peu parce que je ne comprends pas pourquoi ce sont les autres thérapeutes qui obtiennent le crédit de toutes ces guérisons spontanées. Nous aussi, médecins, avons droit il me semble à notre part de guérisons spontanées. Ou bien le docteur vous dira qu'un mauvais diagnostic a été posé au départ et quoi encore. […]

La seule occasion où il n'est pas dangereux d'aller chez le docteur, est lorsqu'on vous y porte. Lorsque vous êtes déjà entre ses mains, je vous conseille alors de ne jamais aller le consulter seul: il est trop puissant. Particulièrement si vous êtes une femme ; faites‑vous accompagner par d'autres femmes, mieux encore, amenez un homme avec vous. Toutes les études démontrent que les docteurs consacrent plus de temps à parler aux hommes qu'aux femmes.»33

LES PRINCIPES D’HIPPOCRATE

Comme les anciens médecins en étaient réduits à la simple observation de même qu'aux essais et aux erreurs, on a les meilleures raisons du monde de se fier à eux pour ce qui est des principes fondamentaux de leur art.

Voici les grands principes du plus célèbre des médecin anciens, Hippocrate:

1-premièrement, être utile, ou au moins ne pas nuire, primum nil nocere; dans le contexte contemporain : s’assurer que la balance penche du côté des avantages d’un traitement plutôt que du côté de ses effets secondaires indésirables.

2- deuxièmement, combattre le mal par son contraire, contraria contrarius: un patient flegmatique, «froid» et «moite» aura besoin de remèdes échauffants; un sanguin pléthorique, de rafraîchissants;

3-  troisièmement, mesure et modération;

4- quatrièmement, «chaque chose en son temps». Une intervention peut être nuisible un jour et sauver la vie du malade le lendemain. C’est le kairos, cher aux psychiatres : attendre l’occasion opportune.

Le second principe, combattre le mal par son contraire est à l'origine du mot allopathique qui sert à caractériser la grande tradition médicale occidentale. Allopathique vient du mot grec allos, qui veut dire autre. La médecine homéopathique (du grec omoios, semblable) est celle qui repose sur le principe opposé : combattre le mal par son semblable.

Voici comment Hippocrate applique ses propres principes à l’exercice et à l’alimentation :

«Aliments et exercices ont des vertus opposées, mais qui collaborent à la santé. Par nature, les exercices dépensent l'énergie disponible, les aliments et les boissons, eux compensent les pertes. Il importe, à ce qu'il semble, de discerner la vertu des exercices naturels ou violents; il importe à ce qu'il semble de discerner lesquels d'entre eux développent les chairs, lesquels les diminuent et non seulement cela, mais encore la proportion des exercices à l'égard de la quantité d'aliments, de la nature du patient, de son âge, des saisons de l'année, des changements de vents, de la situation des lieux où il vit, de la constitution de l'année. Il faut connaître le lever et le coucher des astres, pour savoir prendre garde aux changements et excès des aliments, des boissons, des vents de l'univers entier: c'est de tout cela que proviennent les maladies».

Le message d'Hippocrate est clair: à chacun de trouver pour son propre compte la juste proportion entre l'exercice et l'alimentation.

Le caducée

Le caducée , symbole associé au dieu grec de la médecine, Asclépios, est composé comme on le voit d'un bâton autour duquel s'enroulent deux serpents de forces égales mais opposées. Il représente l'équilibre entre ces forces. Et les ailes qui dominent sont celles de l'esprit. Ainsi le médecin doit-il constamment maintenir l'équilibre dans l'exercice de son art entre les forces destructrices de la maladie et le pouvoir curatif de la nature.

Ce sens de la mesure apparaît encore plus manifestement dans la façon dont les Grecs se comparent à leurs dieux pour ce qui est de leur santé. Nous serons comme des dieux! Ils auraient pu se donner une telle maxime, eux qui attribuaient à leurs dieux une santé insolente. Même le boiteux Héphaïstos pouvait exercer son métier de forgeron en dépit de son infirmité! Les Grecs ont préféré la fragilité des humains, craignant même l'état de santé parfaite. On ne peut qu'en déchoir, disaient-ils!

La santé est à leurs yeux un équilibre fragile, sans cesse à reconquérir, entre des humeurs changeantes: le sang, le flegme, la bile et l'eau; entre l'âme et le corps; entre l'exercice et l'alimentation. Cette idée d'équilibre* a elle-même ses racines dans l'idée plus englobante d'harmonie, laquelle, selon la façon dont elle pénètre le réel, s'appelle tantôt santé, tantôt beauté, tantôt sagesse. 

Nous appelons ici jalons des faits, des tendances, des réalisations, allant dans le sens d’un meilleur équilibre entre l’autonomie et l’hétéronomie, ou si l’on préfère, entre la guérison spontanée de soi par soi ou de soi par autrui et la guérison rationnelle soutenue par la médecine.

FAITS PROMETTEURS

L’EFFET PLACEBO

L’effet placebo, est encore considéré par plusieurs comme dénué d’intérêt. On n’y voit qu'un effet magique dont le seul mérite serait de mettre en relief, par comparaison, les effets bienfaisants d’un médicament. On présente souvent ainsi les résultats des essais cliniques : dans le cas du groupe contrôle à qui on a administré un placebo, le taux de guérison a été de 30% tandis qu'il a été de 60% dans le cas du groupe auquel on a administré le vrai médicament. On oublie souvent de préciser que dans le cas du vrai médicament l’effet placebo a aussi joué un rôle déterminant, dont on peut présumer qu'il est aussi de 30%. Selon le psychiatre Patrick Lemoine, auteur de plusieurs ouvrages sur la question, l’effet placebo serait responsable de un tiers des effets positifs des médicaments, le minimum d’effet étant de 4 %, le maximum de de 86 %. À noter que cette efficacité de 86 % a trait aux douleurs les plus inquiétantes, celles de l’angine notamment.

Au cours de la décennie 1980, le débat sur les diverses thérapies fut pour plusieurs représentants du monde médical une occasion de discréditer les médecines douces, dont le succès ne pouvait s’expliquer que par l’effet placebo, lui-même ne présentant qu'un intérêt temporaire et marginal

Adoptant le point de vue du patient pour qui toute amélioration de son état est un événement heureux, quelle qu'en soit la cause, le professeur Pierre Cornillot affirmait que l’effet placebo est «quelque chose d'absolument merveilleux. : le plus beau don, de la nature et du ciel réunis, à l'homme et à la médecine.[…]. Au lieu de le considérer comme un pis aller, ne faudrait-il pas, disait-il l’étudier pour en accroître les effets bienfaisants.

L’étudier, c’est ce qu'a fait le docteur Patrick Lemoine. Ses observations et sa réflexion ont porté sur les guérisons spontanées non expliquées, qu'elles résultent de l’administration d’un placebo ou qu'elles soient l’effet d’un événement extraordinaire, un choc ou une joie subite et inattendue. Patrick Lemoine évoque le cas de son grand-père qui, tous les étés de sa vie a souffert du rhume des foins, sauf en 1940, année de la défaite. La peur aurait-elle été la cause de cette guérison? Patrick Lemoine n’exclut pas cette explication, on verra pourquoi. H.F. Ellenberger cite le cas évoqué par  le psychanalyste Heinrich Meng d'une malade qui guérit rapidement d'un ulcère grave de la cornée sous l'effet d'une haine intense dont elle était animée.

Patrick Lemoine est d’avis qu'une partie du mystère de l’effet placebo et de la guérison spontanée a été dissipé par la mise en lumière du fait que l’organisme produit ses propres médicaments, mieux que ne pourraient le faire l’ensemble des compagnies pharmaceutiques. (N’est-ce pas ce qu'Hippocrate appelait le pouvoir guérisseur de la nature?) L’effet placebo s’expliquerait par la stimulation de cette production de médicaments, appelés pour cette raison endo-médicaments. Seraient en cause les charismes du thérapeute (The doctor as pill de Balint) les bonnes dispositions du patient et mille autres facteurs, parmi lesquelles des émotions fortes et des maladies intercurrentes. Une maladie peut effet guérir d’une autre. Carl Hamburger a écrit une petite monographie relatant une douzaine de cas de maladies des yeux qui ne laissaient plus aucun espoir et que des ophtalmologistes compétents avaient considérées comme incurables, mais qui avaient guéri à la suite de maladies intercurrentes (malaria, scarlatine, érysipèle, ou apparition d'une autre maladie oculaire).32  Pourquoi tel événement actif produit-il du cortisol quand c’est de cette subtance que l’organisme a besoin, plutôt que n’importe quel autre médicaments? C’est selon Patrick Lemoine la partie de l’effet placebo qui demeure inexpliquée. L’art de la médecine aujourd’hui, dans un contexte ou le diagnostic est assuré par des machines, consiste pour lui à accorder une attention réelle au patient, à désirer sa guérison au point de la croire possible et à en vivre avec lui l’aventure, d’égal à égal, sans le priver d’informations qu'il trouvera de toute façon sur Internet. C’est ainsi qu'il peut tirer le meilleur parti de l’effet placebo.

Demeure aussi inexpliquée cette faculté qui nous permet de distinguer ce qui nous fait du mal. Ce qui nous fait du mal, n’est-ce pas ce qui provoque en nous cet effet nocebo que Patrick Lemoine considère comme le pendant de l’effet placebo. Vue sous ce nouvel angle la symbiose avec la nature apparaît encore plus souhaitable.

Mais une perspective encore plus large et plus enthousiasmante vient de s’ouvrir : Vivre sa vie sans craindre l’amplitude de ses oscillations, sans refuser la grande peine qui vient après la grande joie, sans considérer toutes les maladies comme des ennemies, mais en évitant les risques suicidaires, n’est-ce pas la meilleure façon de prendre soin de soi? Retour à Radisson, notre coureur des bois : combien de moments d’amitié, de contemplation, d’admiration, devant un paysage ou un acte héroïque, mais aussi combien de peurs, de colères, de maladies intercurrentes, de viandes pourries et poissons frais,  de chants ponctuant la marche, n’ont-ils pas stimulé son organisme, au point lui permettre de relever le défi de l’improbable. La vie était improbable dans l’univers, elle demeure encore improbable malgré l’habitude que nous avons de la voir luxuriante et sûre d’elle-même autour de nous. Vouloir s’en assurer, la planifier, la considérer comme un droit plutôt que comme un miracle, n’est-ce pas la meilleure façon de la faire régresser vers cette poussière dont elle a mis tant de temps à émerger.

Déclin des maladies cardiaques

Les maladies ont une histoire. Elles apparaissent... et disparaissent, parfois d’elles-mêmes, sans que l’on puisse expliquer la chose, parfois à cause de changements dans la société, parfois à cause de mesures d’hygiène, parfois parce que la médecine en a triomphé.

Comme nous l’apprennent les dernières données publiées par l’OCDE, depuis 1980, les taux de mortalité par crise cardiaque ont régressé dans presque tous les pays de l’OCDE. Ce recul a été particulièrement marqué aux Pays-Bas, dans les pays nordiques (Danemark, Norvège, Suède et Islande), en Australie, au Royaume-Uni et en Israël, où les taux de mortalité par crise cardiaque ont diminué de deux tiers, voire plus. »34

Le recul du tabagisme serait l’une causes de cette régression. Il y aurait eu progrès aussi du côté des médicaments liés à cette maladie. Est-ce que les chirurgies cardiaques (pontages coronariens et angioplastie y sont pour quelque chose? En dépit du crédit dont jouissent ces interventions, la réponse ne va pas de soi. S’il existe une corrélation entre le nombre de chirurgies cardiaques et la mortalité due aux maladies cariovasculaires, elle ne saute pas yeux. Voici un tableau montrant le rang de quelques pays pour ce qui est du taux de mortalité et du nombre de chirurgies, selon les données de l’OCDE. C=chirurgies, T= taux de mortalité

Allemagne : C= 25/25 (682 pour 100,000);  T= 20/35 (110 pour 100 000)

États-Unis :  C= 23/25 (521 pour 100,000);  T = 26/35 (128 pour 100 000)

Pologne : C= 19/25 (282 pour 100 000); T=29/35 (139 pour 100 000)

Canada : C= 11/25 (209 pour 100 000);  T= 24/35 (123 pour 100 000)

Pourquoi y a-t-il quatre fois plus de chirurgie en Allemagne, qu'en Suisse et aux États-Unis? Qu'est-ce qui justifie un tel écart?

Adoptons un instant le point de vue de l’anthropologue, celui qui étudie la médecine ‘’scientifique’’ actuelle au même titre que toutes les autres, comme l’une des formes d’expression d’une culture. De ce point de vue rien n’illustre mieux la grandeur et la misère de notre médecine que la chirurgie cardiaque. Grandeur : les prouesses techniques y sont impressionnantes. Parce que les pontages, opérations à cœur ouvert sont généralement parfaitement réussis sur ce plan technique, on en conclut qu'ils sont efficaces. Selon le docteur Nortin M. Hadler, on risque alors de commettre une erreur médicale de type II. L’erreur de type I est  carrément inacceptable à tous égards. Elle consiste par exemple à pratiquer une césarienne comportant des risques parce que cela convient à l’horaire du médecin. L’erreur de type II consiste en une intervention techniquement impeccable, mais inutile, quand le taux de mortalité est le critère.

Au cours de la décennie 1970, peu après les premiers pontages, on a lancé trois grands essais randomisés (membre du groupe témoin et du groupe traité choisis au hasard, à leur insu et à l’insu des chercheurs.) Les patients ont été suivis pendant cinq ans dans un cas, pendant dix ans dans les autres cas.Voici le résultat selon N.H. Hadler : «Dans les trois essais, la chirurgie n'a pas amélioré la survie pour 97% des patients opérés. Un sous-groupe de patients souffrant d'une répartition particulière des plaques, surtout dans l'artère coronaire principale gauche, en ont tiré un avantage. La survie à cinq ans des patients dont la coronaire gauche était atteinte était de 65% quand on les traitait avec des médicaments, et de 85% lorsqu'ils étaient traités par chirurgie. Donc, le pontage peut améliorer la survie dans un petit groupe de patients à risque élevé, mais il ne procure aucun avantage à 97 % des patients angineux. Comme le traitement médicamenteux a été grandement amélioré depuis 15 ans, le groupe témoin performerait davantage aujourd'hui. Par contre, il n'existe aucune information suggérant que le pontage soit devenu plus efficace qu'il ne l'était il y 15 ans.

Si cette pratique perdure ce ne peut-être que parce qu'elle fait disparaître la douleur de l’angine et la terreur que cette douleur provoque. Ce n’est pas là un mince mérite, certes mais est-ce qu'une simple incision n’aurait pas le même effet? " Oui et la chose a été démontrée : l'effet placebo marche même en chirurgie. Le concept peut faire frémir mais il est d'une simplicité désarmante. Ici, le patient reçoit une anesthésie générale, le praticien pratique une incision, que, dans la foulée, il recoud. L'intervention s’arrête là. Ce principe de la chirurgie placébo remonte aux années 1950. Il était alors d'usage, dans le traitement de l'angine de poitrine, de proposer la ligature d'une artère, l'artère mammaire interne. Pour vérifier l'intérêt réel de ce geste, des chirurgiens américains ont testé deux groupes de patients, l'un subissant l'intervention au complet, l'autre se contentant d'une simple incision. Comme l'amélioration n'était pas significativement supérieure dans le groupe opéré, l'artère n'a finalement plus jamais été ligaturée !»35

Nous n’entrerons dans le détail des raisons, d’ordre éthique notamment,  pour lesquelles, la simple incision n’est plus pratiquée. Sachant toutefois que la suppression douleur de l’angine est déterminée par l’effet placebo, le recours au massage ou la physiothérapie ne serait-il pas indiqué dans ce cas. L’effet placebo serait-il aussi durable dans ce cas? Voilà en tout cas une situation qui montre 1) à quel point de poursuivre les recherches sur l’effet placebo, 2) à quel point aussi une telle recherche pourrait contribuer à réduire les coûts de la santé.

PERSONNES EXEMPLAIRES

Le docteur Gilles Julien, médecin de ville.

On appelait jadis médecin de campagne celui qui soignait à la fois la campagne et ses habitants. Gilles Julien est un médecin de ville. Pédiatre social reconnu tant sur le plan local, national, qu'international, le docteur Gilles Julien a pour mission de permettre aux enfants issus d'un milieu vulnérable de se développer selon leur plein potentiel dans le respect de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Pour y arriver, il repousse les frontières de la pédiatrie, mobilise la société pour tendre vers l'équité sociale et économique, crée une alliance avec la pratique du droit et, instaure un mécanisme intermédiaire et intégrateur entre les besoins des enfants et les systèmes mis en place par la société pour en prendre soin :  les centres de pédiatrie sociale en communauté

Christian Lamontagne

Créateur du site internet Passeport santé, d’abord connu sous le nom de Proteus. Christian est  aussi un penseur remarquable. Il est mort le 9 janvier 2013. Le site Passeport santé reçoit 3 000 000 de visiteurs par mois.

 

Docteure Marie-Jeanne-Kergoat

Prix Persillier-Lachapelle 1212 , prix d’excellence : Docteure Marie-Jeanne Kergoat, Gériatre, Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

Ghislaine Jarry

Elle a fondé en Montérégie une chorale formée uniquement de personnes vivant avec un handicap intellectuel.

Les unes sont touchées par l'une ou l'autre des formes de l'autisme, les autres par la trisomie. C'est là un parfait exemple d'une activité culturelle nourricière pour une collectivité, parce qu'elle enferme une participation active à une création caractérisée par le souci de la beauté, le souci de l'autre et comportant les dimensions essentielles: physique, l'exercice de la voix, la maîtrise du rythme; intellectuelle, la compréhension des textes; sensible, l'accès à la note juste; et spirituelle, le caractère sacré de certains chants.

Pierre Cabana. L’homme orchestre de l’Estrie

 Cet architecte a mis sa générosité au service de deux causes ayant entre elles des liens plus étroits qu'il ne semble à première vue : la santé et la musique, toutes deux caractérisées par l’harmonie comme l’avait compris Platon. Il a soutenu l’orchestre symphonique de Sherbrooke, dont il est toujours le président de même que les fondations de l’hôpital de Magog et du CHUS de Sherbrooke. Il a même à l’occasion combiné ces deux activités. Il a invité l’orchestre symphonique de Sherbrooke à donner à Magog un concert bénéfice au profit de la Fondation de l’hôpital. Les fonds recueillis devaient être utilisés non pour acheter une pièce d’équipement, mais pour soutenir les parents pauvres ayant un enfant malade à la maison.

Le grand défi de Pierre Lavoie

En 1999, Pierre Lavoie lance le premier Défi Pierre Lavoie au Saguenay-Lac-Saint-Jean dans le but de sensibiliser la population de sa région à l’acidose lactique, la maladie qui a lui a ravi deux enfants, et d’amasser des fonds pour la recherche. Il pédale en solo 650 km en 24 heures sur un parcours ceinturant la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Pierre et un ami réalisateur de télévision ont ensuite l’idée d’étendre les activités de Pierre Lavoie à l’échelle de la province pour sensibiliser les élèves de niveau primaire à adopter de saines habitudes de vie. Le projet voit finalement le jour en novembre 2008. Il s’appellera désormais le Grand défi Pierre Lavoie.36

Le succès est au rendez-vous dès la première édition en 2008-2009. Lors du concours Lève-toi et bouge ! du mois de mai, les jeunes et leur famille accumulent 16 970 866 cubes énergies. L’événement du 1 000 km, quant à lui, est applaudi partout au Québec.

Pour sa deuxième édition en 2009-2010, le Grand défi Pierre Lavoie rallie encore plus d’écoles et de jeunes qui accumulent au total 22 millions de cubes énergie — quelque 5 millions de plus que l’année précédente ! Le nombre d’équipes inscrites au 1 000 km passe de 90 à 150 !

Vigilance

La vigilance est un signe de vie et de santé. La première chose que l’on découvre quand on observe des animaux sauvages, c’est qu'ils sont en constante vigilance, toujours en en état d’alerte. Ils ont raison, car le prédateur de son côté est toujours aux aguets. Dans les sociétés industrielles où vivent la plupart des hommes aujourd’hui, la vigilance doit s’exercer à propos de la qualité de la nourriture, de l’air, de l’eau, mais aussi à propos des médicaments et des traitements que propose et parfois impose une industrie dont les intérêts financiers ne coïncident pas toujours avec les besoins des clients.

Cette vigilance ne peut pas être déléguée à des experts. Elle est l’affaire de chacun des vivants que nous sommes et pour le citoyen que nous sommes aussi, elle est un devoir. Nous avons en effet un rôle crucial à jouer dans l’allocation des ressources en santé. Nous sommes capables de comprendre le premier principe hippocratique et de veiller à ce qu'il soit respecté : Primum non nocere, d’abord ne pas nuire.

FAITS TROUBLANTS

Le DSM

Le DSM (Diagnostical and Statiscal Manual of Mental Disorders), Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux est sûrement l’un des livres qui ont le plus d’influence sur le destin des êtres humains. Il s’agit du répertoire officiel des maladies mentales. On publiera bientôt la cinquième édition de cet ouvrage né aux États-Unis et adopté par la suite dans le reste du monde. Dans la première édition, parue en 1952, le nombre de maladies mentales était de 60, dans la seconde édition, celle de 1968, le nombre est passé à 145, dans la troisième, parue en 1987 le nombre est de 292. Il atteindra 410 dans la quatrième édition remontant à 1994. Dans la cinquième édition, parue en mai 2013, le total a été ramené 397, mais il comporte de nouvelles étiquettes, tel le désordre de dérégulation dit d’humeur explosive. Ce trouble concerne les enfants de plus de 6 ans qui font plus de trois grosses colères par semaine pendant un an

S’il est normal que les diagnostics se raffinent quand la médecine dans son ensemble progresse, et quand tout change dans les sociétés, on doit s’inquiéter du fait que ce processus fait entrer dans la sphère médicale des troubles que l’on avait toujours considérés comme normaux, la timidité par exemple. Elle est désormais une maladie mentale appelée phobie sociale. Le chagrin après la mort d’un être cher, et les états dépressifs qui s’y rattachent, est une chose parfaitement normale. On le considérait jadis comme un état dépressif quand il perdurait plus d’un an après le malheur. La limite a ensuite été ramenée à deux mois, puis à deux semaines. Cela veut dire que la consommation d’antidépresseurs est indiquée beaucoup plus tôt qu'auparavant. Les troubles d’Asperger, forme modérée d’autisme, étaient considérés comme une chose rare avant son inscription dans DSM. Au cours des années qui ont suivi son inscription, on a noté une augmentation du nombre de diagnostics de 2000%. Quand on a abaissé le seuil du diagnostic du Trouble déficitaire de l’attention, l’augmentation a été de 200%. C’est ainsi qu'est apparue l’épidémie de maladies mentales. Il s’agissait d’une épidémie fabriquée. Il ne s’agit pas seulement d’un glissement du normal vers le pathologique, il s’agit aussi d’un glissement de l’autonomie vers l’hétéronomie, glissement dont on mesure toute la portée quand on prend acte du fait que les troubles inscrits dans le DSM sont tous considérés comme ayant une base biologique, généralement une lésion cérébrale.37

LA SURCONSOMMATION D’ANTIDÉPRESSEURS

«Ce tsunami lucratif de la dépression (les dépenses pour les antidépresseurs aux États-Unis, sont passées de 5,1milliards en 1997 à 13,5 milliards en 2006; 9% des adolescents sont sous AD en2005 et la même année, les ventes américaines de Zoloft à 3,1 milliards, excèdent celles du détersif Tide [Barber2008])a été soutenu, et l’est encore de nos jours, par une idée simpliste et fausse, celle d’une déficience en sérotonine; idée merveilleuse pour les vendeurs, adaptée comme un gant à notre snobisme scientifique.»38

DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN PAR MAMMOGRAPHIE

 « Actuellement en 2012, les données scientifiques s’accumulent pour démontrer l’absence d’intérêt voire la nocivité du dépistage systématique du cancer du sein par la mammographie, essentiellement du fait de surdiagnostics à l’origine de traitements inutiles. Les autorités sanitaires telles la Haute Autorité de Santé, l’assurance maladie refusent de prendre en compte, voire nient ces données. Elles continuent à promouvoir et à inciter à ce dépistage, y compris financièrement à travers le paiement à la performance des médecins. Cette attitude empêche un choix libre et éclairé des femmes» concernées » 39

* Même l’American Cancer Society ne le recommande plus en 2012.40

Les chances de gagner à cette loterie sont bien minces en effet.

«Imaginons dit le docteur Fernand Turcotte une boîte contenant 2000 billets. Tirer un billet de cette boîte équivaut à accepter l’invitation de subir une mammographie de dépistage tous les 2 à 3 ans durant 10 ans. La boîte ne contient qu’un seul billet gagnant, qui fera de cette chanceuse une « grande gagnante » : elle évitera de mourir du cancer du sein grâce aux traitements reçus après un dépistage positif confirmé. Aucun des 1 999 autres billets n’est un billet gagnant.»41

FAITS SCANDALEUX

VOLS DANS LES HÔPITAUX

Nous avons posé la question suivante à une directrice d’hôpital à la retraite : si vous aviez à réformer un hôpital dans le contexte difficile d’aujourd’hui, à quel problème vous attaqueriez-vous d’abord? Sa réponse : au vol! Vol par le personnel, par les malades et aussi par des criminels de l’extérieur qui convoitent les biens des patients. «En Belgique, 3.441 vols et extorsions enregistrés par la police fédérale l'année dernière dans nos hôpitaux, 582 agressions physiques et 296 actes de vandalisme.» Au Québec, le sujet est tabou. Une meilleure information sur la question donnerait pourtant aux citoyens une occasion de prendre conscience du fait qu'ils manquent de respect pour une institution dont ils attendent et exigent tant.

LA FRAUDE PLANIFIÉE, la saga du vioxx.

De plus en plus de compagnies pharmaceutiques n’hésitent pas à planifier des actes illégaux, qui s’avéreront criminels pour tirer le maximum de profits d’un médicament. Tel médicament, approuvé en tant qu'anti inflammatoire et d’abord vendu en tant que tel peut, dans une seconde étape de la mise en marché, être présenté sous un label nouveau qui n’a pas été approuvé. Les compagnies savent que cela tôt ou tard provoquera une poursuite, mais elles estiment que le risque sera rentable. Qu'est-ce qu'une amende de deux milliards pour un médicament qui en a déjà rapporté dix?

Le Vioxx est un analgésique sur ordonnance distribué ici par Merck Frosst Canada. Suivant le rapport de David Graham de la FDA au Congrès américain, en utilisant des critères raisonnables, on peut estimer de 88 000 à 139 000 le nombre d’attaques cardiaques provoquées par Vioxx prescrit par les médecins, 30 à 40 % de ces patients étant probablement décédés. On annonçait récemment une entente entre Merck Frosst, fabricant du Vioxx et les victimes canadiennes de ce médicament. Une entente en vue de régler les recours collectifs concernant le médicament Vioxx a été conclue. Si elle est approuvée par les tribunaux et mise en œuvre intégralement, l'entente prévoit un montant maximum de 36,9 millions $. Merck avait réglé auparavant pour un peu moins de 1 milliard dans le cas des États-Unis. En 2007, Merck avait déboursé 4,07 milliards suite à des milliers de poursuites. La compagnie avait retiré le médicament Il a été offert au Canada jusqu'au 30 septembre 2004 . 42

NÉGLIGENCES DES DÉTERMINANTS SOCIAUX43

L’espérance de vie chez les hommes autochtones australiens est inférieure de 17 ans à celle des autres hommes en Australie.

La mortalité maternelle est 3 à 4 fois plus forte chez les pauvres que chez les riches en Indonésie. La mortalité de l’adulte est 2,5 fois plus importante dans les quartiers les plus démunis que dans les quartiers les plus favorisés au Royaume-Uni.

La mortalité de l’enfant dans les bidonvilles de Nairobi est 2,5 fois plus importante que dans les autres parties de la ville. Le risque de décès est de 10% chez un nouveau-né ayant une mère bolivienne analphabète alors qu’il n’est que de 0,4 % chez un nouveau-né dont la mère a au moins fréquenté l’école secondaire.

Aux États-Unis, 886 202 décès auraient été évités entre 1991 et 2000 si le taux de mortalité avait été le même chez les Américains d’origine africaine que chez les Blancs, alors qu’à titre de comparaison seules 176 633 vies ont pu être sauvées grâce aux progrès de la médecine au cours de la même période.

En Ouganda, le taux de mortalité de l’enfant de moins de cinq ans est de 106 pour 1000 dans le cinquième des familles les plus riches, mais de 192 pour 1000 naissances vivantes celui des familles les plus pauvres, ce qui signifie que près d’un cinquième des enfants nés vivants dans le quintile le plus pauvre n’atteindront pas leur cinquième anniversaire. À titre de comparaison le taux de mortalité moyen des moins de cinq ans dans les pays à revenu élevé est de 7 pour 1000. 44

Sources

(Livres, revues, articles, sites, audios, vidéos)

LIVRES

Voir Lectures recommandées,45 une imposante bibliographie commentée dont le docteur Pierre Biron est l’éditeur.

Ray Kurzweil, Terry Grossman, Transcend : Nine Steps to Living Well for Ever, Rodale Press. 2009, p.15

Le surdiagnostic, par H.Gilbert Welch, traduit de l’anglais par Fernand Turcotte md, PUL, Québec 2012, 314 pages.

Le dernier des bien portants, par Nortin M. Hadler, m.d. traduction de Fernand Turcotte, md PUL, québec 2012, 329 pages

Tous fous? par Jean-Claude St-onge, éditions Écosociété, Québec 2013.

REVUES

PRESCRIRE46

Depuis janvier 1981, la raison d'être de Prescrire est d'apporter aux professionnels de santé, et à travers eux, aux patients, les informations claires, synthétiques et fiables dont ils ont besoin, en particulier sur les médicaments et les stratégies diagnostiques et thérapeutiques.[…]

L'Association Mieux Prescrire, qui édite toutes les productions Prescrire, est une association de formation à but non lucratif (loi 1901). Elle s'est organisée pour s'affranchir des influences des firmes, comme de celles des organismes chargés de l'organisation des systèmes de soins. La mission de Prescrire est inscrite dans l'Article 1 des statuts de l'AMP : "Œuvrer, en toute indépendance, pour des soins de qualité, dans l'intérêt premier des patients.  À cet effet, l'Association pourra prendre toute initiative et entreprendre toute action à des fins de formation des professionnels de santé, de sensibilisation, d'information, et d'amélioration des pratiques."

ARZNEI-TELEGRAMM47 ;A-T (DE)(Bulletin pharmaco-thérapeutique)

Les français disent que c’est un peu le pendant allemand de Prescrire (fondée en 1981) et les allemands disent l’inverse.

ARTICLES

Ceux qui disent non aux labos,  Le Monde, 18/04/2013

Ils sont environ 200 résistants. Deux cents médecins qui militent au grand jour contre l'emprise de l'industrie pharmaceutique sur le système de santé français, parce qu'ils la trouvent aussi dangereuse que coûteuse. Leur collectif, le Formindep ("pour une formation et une information médicales indépendantes"), est méconnu du grand public. Pourtant, depuis quelques années et l'affaire du Mediator, ses combats trouvent un écho croissant dans le monde médical et commencent à porter leurs fruits, jusqu'à modifier les pratiques des plus hautes autorités sanitaires.

Canadians overmedicated because MDs unaware of drug risks, experts say. The Globe and Mail, Apr. 26 2013

Les canadiens sont surmédicamentés, selon Alan Cassels, chercheur en pharmacologie de l’Université de Victoria.  Cassels recommande aux médecins et aux patients d’aller aux meilleures sources : Cochrane collaboration, Prescrire, édition anglaise.

SITES

TOUTES LES ASSOCIATIONS QUÉBÉCOISES DU SECTEUR DE LA SANTÉ48

Attention : dans  certaines d’entre elles, l’influence des compagnies pharmaceutiques est excessive.

Sur les médicaments : L’alter-dictionnaire médico pharmaceutique49

Permet de faire le point sur un grand nombre de médicaments, à partir de sources sûres. Pour en tirer bon profit, il suffit de faire une recherche sur le nom scientifique du médicament et sur la catégorie à laquelle il appartient. Le nom scientifique du tamiflu par exemple, est oseltamivir; il appartient à la catégorie des inhibiteurs de la neuramidinase. Convertisseur pour les noms de médicaments

On peut facilement trouver sur Internet un convertisseur (http://d.c.i.free.fr/) permettant d’obtenir le nom scientifique d’après le nom commercial. Le nom scientifique est la DCI (dénomination commune internationale). Créée par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la DCI est commune aux pays du monde entier. Les noms commerciaux sèment la confusion. Il y en a qui commercialisent le même médicament sous plusieurs noms et font de la publicité pour un nom commercial dans les maux de dents et pour un autre, dans les douleurs des règles !

Collaboration Cochrane50

Fondée en 1993, la Collaboration Cochrane est une organisation internationale, indépendante à but non lucratif, qui a pour but d'apporter des informations actualisées de haute qualité sur l'efficacité des interventions en santé.

Elle regroupe à ce jour plus de 28 000 collaborateurs (professionnels de santé, chercheurs et patients) dans 100 pays dans le monde.

Phamacritique

Un site associé à la Fondation Sciences Citoyennes

AUDIOS

Yannick Villedieu rencontre Jean-Claude St-Onge à l’Émission les années Lumières du 3 janvier 2013.51

VIDEOS

Cash Investigation sur FR 2: les vendeurs de maladie.52

La puissance de l’illusion en médecine. Le mystère du placebo & le mystère du nocebo, par Patrick Lemoine, psychiatre.53

Le ministre Réjean Hébert présente l’assurance santé.

 

Jacques Dufresne, Stéphane Stapinsky 2013-01-11 19:521

 

                                               Encyclopédie de l’Agora

 

1 HTTP://WWW.EUREKALERT.ORG/PUB_RELEASES/2008-04/ASON-ELO032808.PHP

2 HTTP://WWW.I-DIETETIQUE.COM/BREVES/BOIRE-TROP-D-EAU-PRECIPITE-VERS-UN-HANDICAP-SOCIAL-L-INCONTINENCE-URINAIRE/8578.HTML

3 THE MEDUSA AND THE SNAIL, BANTAM NEW AGE BOOKS, NEW-YORK 1980, P.37-38

4 Lewis Thomas, ancien directeur de l’un des plus grands centres de recherche sur le cancer au XXe siècle, le Sloan Kettering Institute, fut aussi un mélomane raffiné et un brillant commentateur de Montaigne. Ce chercheur humaniste sera l’un de nos guides. On lui doit en outre le concept de halfway technology ou technologie de moyen terme. La technologie achevée est celle qui, reposant sur une connaissance adéquate des causes de la maladie, est très efficace et peu coûteuse. C’est le cas de l’asepsie et des antibiotiques. Tandis que les technologies de moyen terme ne sont souvent que des tâtonnements coûteux, (c’est le cas, selon le docteur Hadler, de nombreux traitements contre le cancer et même des pontages coronariens) dont l’efficacité n’équilibre pas toujours les effets secondaires indésirables.

5 HENRI F. ELLENBERGER, IN TRAITÉ D’ANTHROPOLOGIE MÉDICALE, (DIR : JACQUES DUFRESNE, FERNAND DUMONT, YVES MARTIN) PRESSES DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC, PRESSES UNIVERSITAIRES DE LYON, QUÉBEC, LYON 1985, P. 1027.

6 OMS, GLOSSAIRE POUR LA PROMOTION DE LA SANTÉ. HTTP://WWW.QUEBECENFORME.ORG/MEDIA/1449/HO_GLOSSARY_FR.PDF

7 . WHY MOST PUBLISHED RESEARCH FINDINGS ARE FALSE, HTTP://WWW.PLOSMEDICINE.ORG/ARTICLE/INFO:DOI/10.1371/JOURNAL.PMED.0020124),

8 http://www.indexsante.ca/Hopitaux/

9 HTTP://MSSSA4.MSSS.GOUV.QC.CA/FR/ORGANISA/ANNRRSSS.NSF/TOUS?OPENVIEW

10 HTTP://ARCHIVES.RADIO-CANADA.CA/SPORTS/SKI/CLIPS/15657/

11Jünger aux faces multiples, Banine, Éditions de l’Age d’Homme, Lausanne 1989 p.44.

12 ERNST JÜNGER, LES DOSSIERS, L’AGE D’HOMME, LAUSANNE, 2000, P.130

13MARGUERITE YOURCENAR, LES MÉMOIRES D’HADRIEN

14 KNOCK OU LE TRIOMPHE DE LA MÉDECINE, PAR JULES ROMAINS, LE LIVRE DE POCHE, PARIS, 1965, P.160.

15 LA REVUE SAVANTE MEDICAL HUMANITIES PUBLIAIT RÉCEMMENT UN ARTICLE DE FOND SUR CETTE PIÈCE. HTTP://MH.BMJ.COM/CONTENT/28/1/14.FULL#REF-11

16 RAY KURZWEIL, TERRY GROSSMAN, TRANSCEND : NINE STEPS TO LIVING WELL FOR EVER, RODALE PRESS. 2009, P.15

17 HTTP://QUANTIFIEDSELF.COM/

18 HTTP://WWW.ECONOMIST.COM/NODE/21548493

19 HTTP://AGORA.QC.CA/DOCUMENTS/GUERISON--LA_GUERISON_ET_SES_ARTISANS_PAR_HENRI_F_ELLENBERGER

20 RENÉ AND JEAN DUBOS, THE WHITE PLAGUE: TUBERCULOSIS, MAN AND SOCIETY, LITTLE, BROWN AND COMPANY, BOSTON 1952. IN THE WHITE PLAGUE, RENÉ AND JEAN DUBOS ARGUE THAT THE GREAT INCREASE OF TUBERCULOSIS WAS INTIMATELY CONNECTED WITH THE RISE OF AN INDUSTRIAL, URBANIZED SOCIETY AND—A MUCH MORE CONTROVERSIAL IDEA WHEN THIS BOOK FIRST APPEARED FORTY YEARS AGO—THAT THE PROGRESS OF MEDICAL SCIENCE HAD VERY LITTLE TO DO WITH THE MARKED DECLINE IN TUBERCULOSIS IN THE TWENTIETH CENTURY.

21 MCKEOWN, THOMAS,«A HISTORICAL APPRAISAL OF THE MEDICAL TASK», MEDICAL HISTORY, MEDICAL CARE, OXFORD UNIVERSITY PRESS, 1971.

22 HTTP://PHARMACRITIQUE.20MINUTES-BLOGS.FR/ARCHIVE/2008/09/18/MARCIA-ANGELLL-DENONCE-LA-MANIPULATION-DE-LA-RECHERCHE-CLINIQ.HTML

23 HTTP://WWW.YOUTUBE.COM/WATCH?V=XO_UHZTXXYG

24 HTTP://ETHICALNAG.ORG/2012/08/13/BIG-PHARMA-PERSUASION/

25 HTTP://CONJUGAISON.LEMONDE.FR/CONJUGAISON/TROISIEME-GROUPE/OBTENI

26 HTTP://JADA.ADA.ORG/CONTENT/140/1/61.ABSTRACT

27 Mars 2013

28 Nous refusons par principe d’associer le mot intellligent au mot téléphone.

29 http://www.journaldumauss.net/IMG/pdf/MarieClaudeBourdon_Guerison.pdf

30 Lorenz, K., Essais sur le comportement animal et humain, p. 364

31 MICHEL MAXIME EGGER, REVUE DÉVELOPPEMENT ET CIVILISATION, NO 406, SEPTEMBRE 2012, REPÈRES POUR UNE ÉCOSPIRITUALITÉ. HTTP://WWW.TRILOGIES.ORG/IMG/PDF/TCSM_DEVELOPPEMENT_ET_CIVILISATION_406.PDF

32 HTTP://WWW.NYTIMES.COM/2012/10/28/MAGAZINE/THE-ISLAND-WHERE-PEOPLE-FORGET-TO-DIE.HTML?WT.MC_ID=NYT-I-P-BODY-MAG-102512-L4

33 CONFÉRENCE PRONONCÉE AU CENTRES D’ART D’ORFORD EN 1985 DANS LE CADRE D’UN COLLOQUE ORGANISÉ PAR L’AGORA, SOUS LE TITRE DE : LES MÉDECINES DOUCES ET LE SYSTÈME DE SANTÉ QUÉBÉCOIS.

34 HTTP://WWW.OECD-ILIBRARY.ORG/DOCSERVER/DOWNLOAD/8111102EC006.PDF?EXPIRES=1366900779&ID=ID&ACCNAME=GUEST&CHECKSUM=9E096FB6A567AEEB1736314D604A45D4

35"QUAND L'ESPRIT GUÉRIT LE CORPS "  MAGAZINE SCIENCES ET AVENIR N° 705 DE NOVEMBRE 2005.

36 HTTP://WWW.LEGDPL.COM/LE-GRAND-DEFI/PETITE-HISTOIRE-DU-GRAND-DEFI

37 TOUS FOUS? PAR JEAN-CLAUDE ST-ONGE, ÉDITIONS ÉCOSOCIÉTÉ, QUÉBEC 2013).

38 JACQUES THIVIERGE, MD, L’AUTRE ESPOIR DÉTROMPÉ, UN PSYCHIATRE DÉNONCE, HTTP://HOMOVIVENS.ORG/JDUFRESNE/THIVIERGE.PDF

39 http://www.formindep.org/-Depister-le-cancer-du-sein-.html

40 ALTER-DICTIONNAIRE MEDICO-PHARMACEUTIQUE, HTTP://ALTERDICTIONNAIRE.HOMOVIVENS.ORG/

41 HTTP://PHARMACRITIQUE.20MINUTES-BLOGS.FR/TAG/PIERRE+BIRON

42 JACQUES THIVIERGE, L’AUTRE ESPOIR DÉTROMPÉ, HTTP://HOMOVIVENS.ORG/JDUFRESNE/THIVIERGE.PDF

43 HTTP://WWW.WHO.INT/MEDIACENTRE/NEWS/RELEASES/2008/PR29/FR/

44 LES INÉGALITÉS TUENT À GRANDE ÉCHELLE : HTTP://WWW.WHO.INT/MEDIACENTRE/NEWS/RELEASES/2008/PR29/FR/

45 HTTP://HOMOVIVENS.ORG/JDUFRESNE/LECTURES%20RECOMMANDEES%20AVRIL%202013.PDF.

46 HTTP://WWW.PRESCRIRE.ORG/FR/12/32/0/0/ABOUT.ASPX

47 HTTP://WWW.ARZNEI-TELEGRAMM.DE/

48 HTTP://WWW.SANTE-NET.NET/ASSOCIATIONS.HTM

49 HTTP://ALTERDICTIONNAIRE.HOMOVIVENS.ORG/

50 HTTP://WWW.COCHRANE.FR/INDEX.PHP?OPTION=COM_CONTENT&VIEW=ARTICLE&ID=93&ITEMID=522

51 HTTP://WWW.RADIO-CANADA.CA/AUDIO-VIDEO/POP.SHTML#URLMEDIA=HTTP://WWW.RADIO-CANADA.CA/MEDIANET/2013/CBF/LESANNEESLUMIERE201302031306_3.ASX

52 HTTP://WWW.YOUTUBE.COM/WATCH?V=XO_UHZTXXYG

53 HTTP://WWW.YOUTUBE.COM/WATCH?V=TTZEFXY9PKC

54 HTTP://WWW.YOUTUBE.COM/WATCH?V=4NZE5K1UIBG

 

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Le CITOYEN QUÉBÉCOIS – AUTONOMIE – COPIE DE TRAVAIL –  DROITS RÉSERVÉS

 

Le citoyen québécois –  Copie de travail - Tous droits réservés

 

 

 

 

Commentaires

 

 

D’emblée, je suis en accord avec l’ensemble du fascicule qui défend l’autonomie de façon réaliste, sans rejeter l’apport extérieur nécessaire pour des choix éclairés. Je suis particulièrement sensible à cette « obsession de la santé » et heureux de l’incitation à s’en protéger. Je trouve ce fascicule particulièrement bien construit, documenté de façon précise et tout en nuances concernant le rapport entre autonomie et hétéronomie. J’aime bien aussi la « Variante » qui met en garde contre une « idéalisation de la santé ». Sans compter la qualité exceptionnelle de la mise en page et de la présentation.

Dans ce commentaire, je cherche à introduire la dimension psychologique de l’autonomie en vue d’accentuer la protection contre l’expertise excessive.

En lisant et relisant le dossier, je vis un paradoxe que j’illustre par l’exemple suivant.  Après avoir moi-même cédé à la mode des huit verres d’eau par jour, sans avoir eu le souci de vérifier la source de cette consigne, je lis avec soulagement le résultat des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie : « boire quand on a soif » me semble tellement plus naturel et en accord avec ma tendance à faire confiance à mon organisme. Je constate que j’ai eu besoin d’un apport extérieur pour retrouver mon autonomie sur cette question. Pourquoi suis-je porté à faire confiance à cette nouvelle information alors que mon voisin se montrera sceptique plutôt que de modifier l’habitude qu’il aura développée de boire plus souvent que sa soif l’exigerait? La réponse ne se trouve pas uniquement sur le plan rationnel. L’écho psychoaffectif de notre propre organisme en présence d’une expertise affecte nos décisions; notre avantage sur la machine qui exécute un programme. On ne cesse de souligner les déviations dues à l’irrationnel, mais on oublie que la plupart du temps le non rationnel nous préserve des dérives d’un rationalisme extrême ou de la dépendance à l’expertise. Si l’intuition peut nous tromper, elle oriente aussi l’analyse qui pourra la confirmer ou l’infirmer.

Dans l’exemple cité plus haut, la norme des huit verres d’eau trouvera peut-être un appui dans de nouvelles recherches. On est habitué à des contrexpertises qui contestent les premiers résultats; surtout lorsqu’elles sont commanditées par des intérêts financiers. On maintiendra aussi les consignes qui, en période de canicule ou de sport intense, préviennent la déshydratation (qui souvent peut se produire sans que l’on éprouve une soif immédiate suffisante pour rétablir l’équilibre). Le recours à l’expertise fait partie de la vie moderne. J’utilise souvent l’exemple du coup de soleil pour illustrer qu’une information de l’extérieur peut contribuer à la santé : l’avis de prévention est nécessaire, car je n’éprouve aucun signe interne de danger lorsque, à mon insu, je suis exposé trop longtemps au soleil. Si j’ignore les consignes de prévention, je l’apprendrai trop tard lorsque le coup de soleil ou le cancer de la peau commencera à me faire souffrir.

Sachant qu’on peut se tromper et que les experts aussi peuvent se tromper, la vigilance est de mise. Je souscris à la solution proposée dans le fascicule : développer l’autonomie n’implique pas de se fermer à l’expertise qui est de plus en plus précise dans presque tous les aspects de la vie; elle consiste à développer un sens critique et surtout son habileté à faire des choix personnels. J’ai beaucoup aimé, à cet égard, le Petit cours d’autodéfense intellectuelle de Normand Baillargeon (2006, Montréal : Lux). Ce paragraphe de la quatrième de couverture l’introduit bien :

« Rédigée dans une langue claire et accessible, cet ouvrage, illustré par Charb, constitue une véritable initiation à la pensée critique, plus que jamais indispensable à quiconque veut assurer son autonomie intellectuelle. »

Le paradoxe se poursuit lorsque je m’aventure à donner des critères psychologiques d’une attitude autonome et à proposer des balises pour un choix éclairé. Une expertise au service de l’autonomie? Nous vivons dans un univers tellement riche en information qu’il faut en rajouter pour apprendre à retrouver l’autonomie que nos ancêtres développaient peut-être plus simplement. Dans nos sociétés modernes, il est prudent de prendre en considération la remarque de Allendy citée dans le fascicule : « L’homme n’est pas assez purement animal pour suivre un instinct authentique ». La section sur « l’autonomie psycho-socio-culturelle » invite aussi à cette prudence et contribue à l’équilibre recherché.

De façon plus spécifique, mes observations psychologiques m’ont conduit à faire une distinction majeure entre une décision (qu’une machine programmée ou un expert externe peut dicter) et un choix personnel qui, pour moi, est le moyen par excellence d'affirmer son autonomie. J’en donne une version illustrée d’anecdotes dans mon dernier essai Comprendre et gérer sa motivation. À quoi carbure l’être humain? (2013, Montréal : Québec-livre). Je les introduis comme suit :

« L’efficacité de la gestion de sa motivation dépend de la qualité de ses choix personnels. Les paragraphes qui suivent proposent huit indices pour évaluer la qualité d’un tel choix. Ils sont résumés dans le tableau intitulé « Indices d’un choix personnel ». Tous ne seront pas toujours présents dans une situation donnée, mais on peut considérer que la qualité du choix personnel augmente avec le nombre d’indices. Les quatre premiers concernent l’expérience vécue par une personne au cours de sa délibération, avant qu’elle fasse son choix. Les quatre derniers décrivent l’expérience vécue après ce choix. Les critères sont présentés dans un style personnel (je) pour bien signifier que c’est la personne elle-même qui peut juger de la qualité de ses choix.

Indices d’un choix personnel

Éléments antérieurs au choix

1) Je perçois une alternative

2)  Je ne me sens pas obligé

3)  Je choisis de façon réaliste

4)  Je suis conscient du risque de me tromper

Éléments postérieurs au choix personnel

5)  J’éprouve une mobilisation d’énergie

6)  Je conserve le souvenir de mon choix

7)  J’assume la responsabilité de mon choix

8)  Je me sens autorisé à modifier mon choix » (p. 133 et 134).

Souvent, un choix éclairé portera non pas tant sur l’objet de la décision à prendre que sur la personne (ou la recherche) à qui se fier. Dans le premier essai que j’ai publié sur l’autonomie (1983, Devenir autonome, Montréal : Le Jour), je raconte l’histoire d’une jeune fille de 17 ans qui est enceinte et doit décider si elle se fait avorter ou non. Après avoir consulté plusieurs personnes dont la plupart lui disent « ce qu’elle doit faire », elle me consulte disant qu’elle est de plus en plus mêlée et incapable de prendre une décision. Je l’aide à explorer tous les aspects de la question, mais elle persiste à me demander de lui dire ce qu’elle doit faire. Je crains qu’un avis de plus (qui me semblerait de l’ingérence de ma part) ne fasse que rendre la situation plus complexe. Je lui demande alors si, parmi tous les avis contradictoires qu’elle a reçus, il y une personne à qui elle est portée à faire davantage confiance. Elle répond que c’est un aumônier qu’elle connait bien. Je lui demande pourquoi et, selon ses réponses, je conclus que la position de celui-ci n’était pas basée sur un apriori dogmatique, mais cohérente avec l’information que lui présentait la jeune fille. Le fait qu’elle ait retenu et présenté l’argumentation de façon articulée et personnelle me rassurait sur son autonomie relative face à l’aumônier alors qu’aucune des autres personnes consultées n’avait éveillé en elle un écho aussi positif. Je lui ai demandé si elle était disposée à suivre l’avis de cette personne – il lui suggérait de donner l’enfant en adoption plutôt que de se faire avorter – et sa réponse m’a convaincu que son autonomie passait par la confiance qu’elle accordait à cette personne;  la résonance psychoaffective qu’elle éprouvait donnait la mesure de l’autonomie dont elle était capable.

Voilà, à mon avis, une façon quotidienne que nous avons de maintenir notre autonomie dans un monde où l’expertise est omniprésente. Je rejoins ici l’objectif du fascicule : « L’idéal certes est du côté de l’équilibre entre l’autonomie et l’hétéronomie ». L’invitation à « éviter les pièges des statistiques quand vient le temps de prendre une décision relative à un médicament ou un traitement » va aussi dans le même sens.

Dans mon essai sur la motivation, je propose une interaction continuelle entre deux systèmes que Epstein (2003, Cognitive-experiential self-theory of personality dans Millon, T., & Lerner, M. J. (Dir.), Comprehensive Handbook of Psychology, Volume 5 : Personality and Social Psychology, p. 159-184, Hoboken, NJ : Wiley & Sons) désigne respectivement comme « expérientiel » et « rationnel ». Je les illustre par le mouvement continuel d’une boussole intérieure (boire quand on a soif) et d’un GPS qui indique les chemins de la raison. Ces derniers sont construits à partir d’une réaction personnelle et expérientielle à des expertises de toutes sortes. De ce point de vue, l’autonomie ne s’oppose pas à l’hétéronomie;  elle est plutôt une façon de naviguer dans un univers d’expertise. Pour reprendre l’expression de Lewis Thomas, cité dans le fascicule, on peut ainsi se fier au « pouvoir guérisseur de la nature », en éviter l’érosion et se protéger de l’obsession de la santé. J’ai été heureux de retrouver le même jeu du psychoaffectif et du rationnel dans la présentation des trois niveaux de l’autonomie.

Merci pour cette pièce maitresse du projet LE CITOYEN QUÉBÉCOIS.